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Contre les Académiciens
25.
Et même quand tu dors, diras-tu, ce monde est-il ce que tu vois? -Je l'ai déjà dit, tout ce qui me paraît ainsi, je l'appelle le monde. Que si tu veux ne donner le nom de monde qu'à celui qui est vu par des personnes éveillées ou d'un jugement sain, soutiens, si tu le peux, que ceux qui dorment ou qui sont en fureur ne dorment point, et ne sont point en fureur dans le monde. Je dis donc que cette masse immense de corps, que cette machine où nous nous trouvons endormis ou furieux, éveillés ou sains d'esprit, est une masse unique ou n'est pas unique. Apprends-moi comment cette proposition peut être fausse.
Si je dormais, il se pourrait faire que je n'eusse rien dit; si des paroles se sont échappées de ma bouche pendant que je dormais, comme cela arrive, il se peut faire que je ne les aie pas dites ici, ou étant assis de cette manière, ou devant ces mêmes auditeurs; mais il ne peut se faire que je ne les aie pas dites. Je ne prétends pas non plus savoir que je suis éveillé, car tu peux répondre que je puis aussi me l'être imaginé en dormant; et de cette sorte cela ressemblerait beaucoup à la fausseté. Mais s'il y a un monde et six mondes, de quelque façon que je sois disposé, il est clair qu'il y a sept mondes, et je n'affirme pas témérairement que je le sais. Montrez-moi donc que cette conclusion ou que les dilemmes dont il a été question plus liant peuvent être faux par l'effet du sommeil, de la frénésie ou par la séduction des sens; alors si étant bien éveillé je m'en souviens , j'accorderai que je suis vaincu. Car je crois suffisamment prouvé que les choses qui semblent fausses par l'effet du sommeil ou de la fureur n'ont de rapport qu'avec les sens extérieurs. Car, lors même que le genre humain serait profondément endormi, il serait nécessairement vrai que trois fois trois font neuf et sont un carré de nombres abstraits. On pourrait même encore, à mon avis, ajouter en faveur des sens d'autres arguments que n'ont jamais condamnés les académiciens. Faut-il en effet s'en prendre aux sens, si des gens en délire sont tourmentés par les divagations de l'esprit ou si en songe nous voyons tant de fantômes ? Car s'ils ont fait connaître la vérité aux gens sains et éveillés, ils ne sont point responsables de toutes les chimères qu'un esprit peut enfanter dans le sommeil ou la folie.
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Contra Academicos (PL)
25.
Etiamne, inquies, si dormis, mundus est iste quem vides? Jam dictum est, quidquid tale mihi videtur, mundum appello. Sed si eum solum placet mundum vocare, qui videtur a vigilantibus vel etiam a sanis; illud contende, si potes, eos qui dormiunt ac [Col. 0947] furiunt, non in mundo furere atque dormire. Quamobrem hoc dico, istam totam corporum molem atque machinam in qua sumus, sive dormientes, sive furentes, sive vigilantes, sive sani, aut unam esse, aut non esse unam. Edissere, quomodo possit ista esse falsa sententia. Si enim dormio, fieri potest ut nihil dixerim; aut si etiam ore dormientis verba, ut solet, evaserunt, potest fieri ut non hic, non ita sedens, non istis audientibus dixerim: ut autem hoc falsum sit, non potest. Nec ego illud me percepisse dico, quod vigilem. Potes enim dicere, hoc mihi etiam dormienti videri potuisse; ideoque hoc potest esse falso simillimum. Si autem unus et sex mundi sunt; septem mundos esse, quoquo modo affectus sim, manifestum est, et id me scire non impudenter affirmo. Quare vel hanc connexionem, vel illas superius disjunctiones, doce somno aut furore aut vanitate sensuum posse esse falsas; et me, si expergefactus ista meminero, victum esse concedam. Credo enim jam satis liquere quae per somnium et dementiam falsa videantur, ea scilicet quae ad corporis sensus pertinent: nam ter terna novem esse, et quadratum intelligibilium numerorum, necesse est vel genere humano stertente sit verum. Quanquam etiam pro ipsis sensibus multa posse dici video, quae ab Academicis reprehensa non invenimus. Credo enim sensus non accusari, vel quod imaginationes falsas furentes patiuntur, vel quod falsa in somnis videmus. Si enim vera vigilantibus atque sanis renuntiarunt; nihil ad eos, quid sibi animus dormientis insanientisque confingat.