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Contre les Académiciens
3.
Tu dis donc, repris-je, que la fortune est nécessaire à celui qui désire la sagesse, mais non pas au sage. — On ne s'écarte point de la question en répétant ce qu'on a déjà dit. Je te demande donc, si tu crois que la fortune peut être de quelque secours pour la mépriser elle-même? Si tu le crois, j'en concluerai que celui qui désire la sagesse, a grand besoin de la fortune. — Je le crois ainsi, repris-je, puisque peut. être le sage en viendra à la mépriser, et il n'y a là rien d'absurde. C'est ainsi que le lait de nos nourrices nous est nécessaire lorsque nous sommes enfants, et qu'il nous met en état de pouvoir nous en passer et vivre sans son secours. — Si nos paroles, dit-il, expriment parfaitement nos idées, il me paraît évident que nous sommes d'accord; peut-être cependant pourrait-on dire que ce n'est ni le lait ni la fortune, mais tout autre chose qui nous font mépriser le lait et la fortune. — Il n'est pas difficile, repris-je, d'employer une autre comparaison. De même qu'on ne peut traverser la mer sans navire, ou sans tout autre moyen de transport, ou enfin, (pour ne pas m'attirer le courroux de Dédale) sans quelque appareil convenable, ou sans quelque puissance mystérieuse, et bien qu'on ne se propose que d'arriver, et qu'une fois au port on soit prêt à quitter, à mépriser tout ce qui a servi à la traversée; de même quiconque souhaitera d'arriver à l'heureux port de la sagesse et à cette terre ferme et tranquille, si, sans aller chercher bien loin, il ne le peut parce qu'il est sourd et aveugle, et que la vue et l'ouïe sont des dons de la fortune, j'en conclus que pour arriver à la sagesse , la fortune est nécessaire. Une fois qu'on y est arrivé, si on semble avoir besoin encore de certaines choses pour entretenir la santé , il est cependant certain qu'on n'en a plus besoin pour rester sage, mais seulement pour vivre au milieu des hommes. — Au contraire, répondit-il, si l'on est sourd, ou aveugle, on méprisera, je crois, et avec raison, la sagesse à acquérir et la vie même pour laquelle on cherche la sagesse.
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Contra Academicos (PL)
3.
Dicis ergo, inquam, fortunam esse necessariam studioso sapientiae, sapienti vero negas. Non ab re est eadem repetere, inquit. Itaque nunc etiam abs te quaero, utrum fortunam ad seipsam contemnendam aliquid juvare aestimes. Quod si arbitraris, dico sapientiae cupidum magnopere indigere fortuna. Arbitror, inquam, siquidem per illam erit talis, qualis eam possit contemnere. Nec absurdum est: nam sic etiam parvis nobis ubera necessaria sunt, quibus efficitur, ut sine his postea vivere, ac valere possimus. Sententias, ait, nostras si animi conceptio non dissonat, concordare mihi liquet: nisi forte discernendum cuiquam videtur quod vel fortunae vel uberum, non ipsa ubera seu fortuna, sed alia res quaedam nos faciat contemptores. Nihil magnum est, inquam, alio simili uti. Nam ut sine navi, vel quolibet vehiculo, aut omnino, ne vel ipsum Daedalum timeam, sine ullis ad hanc rem accommodatis instrumentis, aut aliqua occultiore potentia, Aegeum mare nemo transmittit; quamvis nihil aliud, quam pervenire proponat; quod cum ei evenerit, illa omnia quibus advectus est, paratus sit abjicere atque contemnere: ita quisquis ad sapientiae portum, et quasi firmissimum et quietissimum solum pervenire voluerit; quoniam, ut alia omittam, si caecus ac surdus fuerit, non potest, quod positum est in potestate fortunae, necessariam mihi videtur ad id, quod concupivit, habere fortunam. Quod cum obtinuerit, quamvis putetur indigere quibusdam rebus ad corporis valetudinem pertinentibus; illud tamen constat, non his opus esse ut sapiens sit, sed ut inter homines vivat. Imo, ait ille, si caecus ac surdus sit; et sapientiam adipiscendam, et ipsam vitam propter quam sapientia quaeritur, mea sententia, jure contemnet..