19.
Mais, dites-moi un peu, Dieu veut-il que l'homme cherche Dieu? Ils m'accordèrent ce point. — Pouvons-nous dire qu'un homme cherchant Dieu mène une vie contraire à la vertu? — Nullement, dirent-ils. — Une troisième question: L'esprit impur peut-il chercher Dieu? — Non, dirent-ils. — Navigius avait quelques doutes; mais il finit par se réunir aux autres. Si donc, repris-je, l'homme cherchant Dieu fait la volonté de Dieu, vit selon la vertu et est [177] affranchi de l'esprit impur, si d'un autre côté l'homme cherchant Dieu ne possède pas encore ce Dieu, il s'ensuit que l'homme vertueux, l'homme faisant la volonté de Dieu, l'homme affranchi de l'esprit impur ne doit pas, selon nous, posséder Dieu pour cela. Mes auditeurs riaient de se voir pris au piège de leurs concessions. Ma mère, longtemps interdite, me demanda enfin de détendre et de délier par une explication les noeuds de cette proposition entortillée que la nécessité de conclure m'avait fait jeter au milieu de l'assemblée. Cela fait, on ne peut cependant, dit-elle, parvenir à Dieu sans avoir cherché Dieu. — Très-bien, lui dis-je; mais celui qui cherche encore Dieu, n'est pas encore arrivé à Dieu, quand même il vivrait selon la vertu. Il n'est donc pas vrai de dire que l'homme vertueux possède Dieu. — Selon moi, dit ma mère, il n'est personne qui ne possède Dieu. Mais l'homme vertueux a Dieu pour lui; le méchant a Dieu contre lui. — Partant, repris-je, nous avons eu tort hier d'accorder le bonheur à celui qui possède Dieu, puisque tout homme possède Dieu et que tout homme n'est pas heureux. — Ajoute donc, dit ma mère, qu'il faut, tout en possédant Dieu, avoir Dieu pour soi.