31.
Plus tard, dis-je, nous pourrons approfondir la question de mot. Ce n'est pas là, en effet, ce qui doit nous préoccuper dans la recherche de la vérité. Oui, en dépit de Salluste, ce peseur raffiné d'expressions, qui oppose opulence à indigence1, j'accepte ton mot plénitude. Ici, en effet, ce n'est pas la peur des grammairiens qui nous donne la fièvre, et nous n'avons pas à craindre leurs réprimandes, pour avoir usé des mots sans scrupule, puisqu'ils nous ont donné l'usage de leurs biens2. Mes auditeurs sourirent. Ainsi, continuai-je, puisque j'ai résolu de considérer vos opinions, quand vous êtes tournés vers Dieu, non comme certains oracles, voyons ce que signifie le mot de Licentius. Car il me semble mieux approprié que tous les autres à son objet. Plénitude et indigence sont donc des tenues contraires. Mais ici, comme dans la débauche (nequitia), et la frugalité, on voit l'être et le non-être. Et si l'indigence est la folie, la plénitude sera la sagesse. En outre c'est avec raison que bien des gens ont fait de la frugalité la mère de toutes les vertus. Cicéron, qui partage tout avis, dit même dans un discours populaire3 : « Qu'on le prenne comme on voudra, toujours est-il que la frugalité, c'est-à-dire la modération et la tempérance, est à mon sens, la première des vertus. » Mot plein de profondeur et de justesse ! Il avait en vue le fruit, c'est-à-dire l'être, auquel est opposé le non-être. Mais les habitudes de la langue vulgaire, qui prend le mot de frugalité dans le sens de parcimonie, l'ont forcé à éclaircir sa pensée, en donnant pour cortége à la frugalité la modération et la Tempérance, deux mots que nous devons examiner avec quelque attention.