11.
Eh bien ! questionne, dit-il, je t'en supplie, tes paroles et les miennes suffiront peut-être pour expliquer ce je ne sais quoi de si grand. Réponds-moi d'abord, répliquai-je : d'où vient que cette eau ne te paraît point couler ainsi au hasard, mais avec ordre; qu'elle coule dans de petits conduits de bois et qu'elle soit destinée à nos besoins, cela peut tenir à l'ordre : c'est le travail d'hommes agissant avec raison; ils ont voulu que dans le même courant on pût boire et se laver, comme le réclamaient les besoins des lieux parcourus. Mais si ces feuilles, comme tu dis, sont tombées de manière à produire le bruit qui nous a étonnés, à quel ordre des choses rattacher ce fait? N'est-ce pas plutôt au hasard? Celui-là même, répondit-il, qui voit clairement que rien ne peut arriver sans cause, pourra-t-il comprendre que ces feuilles auraient dû ou pu tomber autrement? Quoi ! veux-tu que j'explique la situation des arbres et des rameaux, la pesanteur naturelle des feuilles ? Qu'ai-je besoin d'explorer la mobilité de l'air où elles voltigent, leur lenteur à tomber et leurs chutes qui varient selon la température, leurs poids, leur configuration et tant de causes si obscures ? Tout cela échappe à nos sens et leur échappe entièrement. Toutefois, et c'est ce qui suffit à la question posée, je ne sais comment il n'est point obscur pour notre esprit, que rien ne se fait sans cause. Un questionneur importun pourra continuer à demander pour quelle cause les arbres sont plantés là? Je répondrai que les hommes ont eu égard à la fécondité de la terre. Mais si les arbres sont stériles et produits par hasard, je répondrai que nous ne voyons pas tout, et que la nature qui les produit ne fait rien au hasard. Enfin, ou prouvez-moi qu'il est des effets sans cause, ou croyez que rien n'arrive en dehors de l'ordre certain des causes.
