Traduction
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Traité de la musique
18.
Le M. Tu as raison d'approuver. Cependant voici une objection. Si ces nombres étaient tout à fait indépendants de la durée, quelque temps que je misse à prononcer des sons en observant les intervalles réguliers qu'exige l'iambe, je n'en aurais pas moins le droit de les employer pour juger. Bref, si je mettais à prononcer une seule syllabe le temps qu'un homme en se promenant met à faire trois pas, si je doublais ce temps, pour en prononcer une autre et, qu'en continuant ainsi, je composasse une série indéfinie d'iambes, le rapport de 1 à 2 serait à coup sûr fidèlement respecté, et cependant je ne pourrais avoir recours à ce jugement naturel pour vérifier de pareilles mesures. N'est-ce pas ton avis? — L’E. Je ne puis te refuser mon approbation : à mon sens, c'est évident. — Le M. Donc ces nombres de jugement sont renfermés dans de certaines limites de temps: ils ne peuvent en sortir, pour remplir leur office de juges, et ils se refusent à apprécier tout ce qui en sort. Mais s'ils sont enfermés dans des intervalles de temps déterminés, je ne vois plus comment ils peuvent être éternels. — L’E. Ni moi je ne vois plus ce que je puis répondre. Mais, tout en préjugeant moins de leur caractère d'éternité, je n'en saisis pas mieux la raison qui démontre leur caducité. Car, quels que soient les intervalles qui tombent sous leur contrôle, il est fort possible qu'ils gardent éternellement cette propriété de juger. En effet, ils ne peuvent être effacés par l'oubli, comme les autres; ils n'ont pas la même durée que les sons ni la même étendue que les nombres de réaction; ils ne sont ni conduits ni prolongés comme les mouvements de progrès : car ces deux derniers nombres ne durent que le temps même de l'acte accompli; or les nombres de jugement restent immuables, peut-être dans l'âme, à coup sûr au fond de la nature humaine, et, quoiqu'ils varient entre des limites plus ou moins éloignées, ils servent de règle aux nombres qui se produisent, pour les approuver, s'ils sont harmonieux, pour les censurer, s'ils sont faux.
Edition
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De musica (PL)
18.
M. Recte annuis. Sed si nulla tenerentur, quantolibet productius, legitimis intervallis iambicos proferrem sonos, nihilominus ad judicandum adhiberentur: nunc vero si ederem unam syllabam quanta mora peraguntur (ne multum dicam) tres passus incedentis, et aliam duplo, atque ita deinceps tam longos iambos ordinarem; simpli et dupli lex illa nihilosecius servaretur: nec tamen naturale illud judicium his dimensionibus approbandis adhibere possemus. An tibi non videtur? D. Negare non possum ita videri: nam mea quidem sententia res in aperto est. M. Tenentur ergo et hi judiciales nonnullis finibus temporalium spatiorum, quos in judicando excedere nequeunt, et quidquid excedit haec spatia, non assequuntur ut judicent: atque ita si tenentur, quomodo sint immortales non video. D. Nec ego video quid respondeam. Sed quanquam de immortalitate horum jam minus praesumam, non tamen quo pacto hinc mortales convincantur intelligo. Fieri enim potest, ut quantacumque spatia judicare possunt, semper id possint, quoniam non sicut caeteros, aut oblivione aboleri possum dicere, aut tamdiu esse vel in tantum extendi, quamdiu sonus appellitur et in quantum extenduntur occursores illi, aut quamdiu aguntur vel quantum producuntur quos progressores vocavimus; nam utrique cum ipso tempore operationis suae transeunt: hi autem judiciales, utrum et in anima nescio, in ipsa certe hominis natura manent, judicaturi de oblatis, quanquam a certa brevitate usque ad certam longitudinem varientur, approbando in his numerosa, et perturbata damnando. [Col. 1173]