Traduction
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Traité de la musique
1.
Le M. Prête-moi donc toute ton attention. Je vais de nouveau ouvrir notre discussion comme par un nouvel exorde. Et d'abord, dis-moi si tu connais bien la quantité relative des syllabes longues et brèves, telle que l'enseignent les grammairiens; ou bien, soit que tu la connaisses, soit que tu l'ignores, aimes-tu mieux que nous discutions comme si nous étions complètement étrangers à ces matières, et qu'ainsi nous suivions en tout le fil du raisonnement, sans nous laisser dominer par l'usage et les préjugés. — L’E. Je préfère cette méthode, et en cela je consulte à la fois la raison et, pourquoi rougir de l'avouer ? mon ignorance complète de la quantité des syllabes. —Le M. Eh bien ! dis-moi du moins si tu n'as pas observé par toi-même dans la conversation que, parmi les syllabes, les unes se prononcent rapidement et très-vite , les autres avec lenteur et en allongeant? — L’E. Je n'ai pas été insensible à ces nuances. — Le M. Tu dois savoir que la science grammaticale, en latin, litteratura, se fonde sur la tradition, entièrement, comme le démontre un raisonnement rigoureux, ou du moins principalement, comme en conviennent les esprits les moins cultivés. Par exemple prononce la première syllabe de Cano, en l'allongeant, ou mets-la dans un vers, à un endroit qui exige une longue, le grammairien te reprendra au nom de la tradition dont il est le gardien : car, pour te prouver que cette syllabe doit être brève, il t'alléguera que les anciens, dans les oeuvres qu'ils nous ont laissées, et que commentent les grammairiens, ont fait cette syllabe brève et non pas longue. L'autorité est donc ici l'unique règle. Quant à la musique, qui considère dans les mots la mesure rationnelle et le nombre, elle se borne à exiger qu'une syllabe soit longue ou brève, selon la place que lui assignent les règles de l'harmonie. Place en effet le mot Cano à un endroit où il faut deux syllabes longues et allonge dans la prononciation la première syllabe qui est brève, le musicien n'en sera pas offensé : car les oreilles auront été frappées aussi longtemps que l'exigeait le rythme. Mais le grammairien l’invitera à corriger ton expression et à lui substituer un mot dont la première syllabe soit brève, d'après l'autorité des anciens dont il garde les oeuvres, comme nous l'avons dit.
Edition
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De musica (PL)
1.
M. Attende igitur diligenter, et nunc demum [Col. 1099] accipe quasi alterum nostrae disputationis exordium. Ac primum responde, utrum bene didiceris eam quam grammatici docent, syllabarum brevium longarumque distantiam; an vero sive ista noris sive ignores, malis ut ita quaeramus, quasi omnino rudes harum rerum simus, ut ad omnia nos ratio potius perducat, quam inveterata consuetudo, aut praejudicata cogat auctoritas. D. Ita plane malle me, non modo ipsa ratio, sed istarum etiam syllabarum imperitia (quid enim fateri dubitem?) impellit. M. Age jam, saltem illud eloquere, utrum tu ipse per te nunquam animadverteris in locutione nostra alias syllabas raptim et minime diu, alias autem productius et diutius enuntiari. D. Negare non possum non me ad ista etiam surdum fuisse. M. Atqui scias velim totam illam scientiam, quae grammatica graece, latine autem litteratura nominatur, historiae custodiam profiteri, vel solam, ut subtilior docet ratio; vel maxime, ut etiam pinguia corda concedunt. Itaque verbi gratia cum dixeris, cano, vel in versu forte posueris, ita ut vel tu pronuntians producas hujus verbi syllabam primam, vel in versu eo loco ponas, ubi esse productam oportebat; reprehendet grammaticus, custos ille videlicet historiae, nihil aliud asserens cur hunc corripi oporteat, nisi quod hi qui ante nos fuerunt, et quorum libri exstant tractanturque a grammaticis, ea correpta, non producta usi fuerint. Quare hic quidquid valet, auctoritas valet. At vero musicae ratio, ad quam dimensio ipsa vocum rationabilis et numerositas pertinet, non curat [Col. 1100] nisi ut corripiatur vel producatur syllaba, quae illo vel illo loco est secundum rationem mensurarum suarum. Nam si eo loco ubi duas longas syllabas poni decet, hoc verbum posueris, et primam quae brevis est, pronuntiatione longam feceris, nihil musica omnino succenset: tempora enim vocum ea pervenere ad aures, quae illi numero debita fuerunt. Grammaticus autem jubet emendari, et illud te verbum ponere cujus prima syllaba producenda sit, secundum majorum, ut dictum est, auctoritatem, quorum scripta custodit.