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Aussi, tout périssable et tout fragile que soit le corps, l'âme n'en est maîtresse qu'à force de peine et d'attention. Là est la source de l'erreur qui lui fait mettre les, plaisirs des sens, dans lesquels la matière se prête docilement à son attention, au-dessus de la santé elle-même qui n'exige aucun effort d'attention. Faut-il donc s'étonner si les chagrins se multiplient en elle, puisqu'elle préfère l'inquiétude à la sécurité ? Si elle se tourne vers son Maître, elle voit naître une nouvelle préoccupation, la crainte d'en être détournée, jusqu'à ce qu'elle sente s'arrêter le mouvement impétueux des passions de la chair, devenu effréné par la force d'une habitude invétérée et qui mêle au retour de l'âme à Dieu le désordre des souvenirs. Quand les mouvements qui l'entraînaient vers les choses extérieures se sont apaisés, elle goûte intérieurement ce libre repos dont le sabbat est le symbole; alors elle reconnaît que Dieu seul est son maître, le seul maître que l'on serve avec une entière liberté. Quant aux mouvements de la chair, elle ne les étouffe pas avec la même puissance qu'elle les développe: car, si le péché dépend d'elle, la punition attachée au péché est hors de son pouvoir. L'âme en elle-même est une force puissante, mais elle ne garde pas au même degré le pouvoir d'étouffer les passions. Elle est plus forte au moment du péché; après le péché, elle est affaiblie par un effet de la loi divine et moins capable de détruire son propre ouvrage. « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu, au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur[^1]. » Le mouvement de l'âme, en tant qu'il garde sa vivacité et qu'il n'est pas encore effacé, subsiste donc, comme on dit, dans la mémoire; et, lorsque l'âme prend une autre direction, le mouvement intérieur n'étant plus pour ainsi dire dans le coeur va en s'affaiblissant, à moins que dans l'intervalle il ne se renouvelle sous l'influence de mouvements analogues.