9.
Voyons, dans la suite de votre lettre, les autres objections que vous avez recueillies. On dit « que la prédication et la doctrine du Christ sont incompatibles avec les besoins des Etats. Ne rendre à personne le mal pour le mal 1; après avoir été frappé sur une joue, présenter l'autre; donner notre manteau à celui qui veut nous prendre notre tunique; si un homme veut nous obliger de marcher avec lui, faire le double de chemin qu'il nous demande 2 : ce sont là des préceptes contraires au bon ordre des Etats. Qui supportera qu'un ennemi lui enlève quelque chose, ou bien qui donc, par le droit de la guerre, ne rendra pas le mal pour le mal au ravageur d'une province romaine? » Si je n'avais pas affaire à des hommes instruits dans les lettres, peut-être faudrait-il mettre plus de soin à réfuter ces objections inspirées, soit par la haine du christianisme, soit par le sincère désir de s'éclairer. Mais qu'est-il besoin de chercher longtemps? Qu'on veuille bien nous dire comment les Romains, qui aimaient mieux pardonner une injure que la venger 3, sont parvenus à gouverner et à agrandir leur république, et, de pauvre et petite qu'elle était à la faire grande et riche? Qu'on nous dise comment Cicéron, élevant jusqu'aux cieux César et ses moeurs, louait le chef de la république de ce qu'il avait coutume de ne rien oublier que les injures 4 ! Car ces paroles de Cicéron renfermaient ou une grande louange ou une grande flatterie; dans le premier cas, c'est qu'il connaissait César tel; dans le second, c'est qu'il montrait que le chef d'un gouvernement devait avoir les qualités qu'il prêtait faussement à César. Mais qu'est-ce de ne pas rendre le mal pour le mal? C'est de repousser le plaisir de la vengeance, c'est de mieux aimer pardonner que de venger une injure et ne rien oublier que le mal qu'on a reçu.