2.
Quant à la peine qui doit suivre l'aveu de tels crimes, je demande, malgré leur énormité, que ce ne soit pas la mort; je le demande, soit pour notre conscience, soit pour qu'on rende hommage à la mansuétude catholique. L'avantage que nous tirerons de pareils aveux, ce sera de montrer la douceur que garde l'Eglise catholique envers ses ennemis les plus acharnés. En face d'atrocités semblables, toute peine qui ne sera pas l'effusion du sang sera considérée comme fort douce. Quelques-uns des nôtres, émus de ces cruautés, nous accuseront de faiblesse et de négligence; mais après ces premiers mouvements , qui sont l'effet ordinaire de crimes récents, on comprendra ce qu'il y a d'excellent dans notre conduite miséricordieuse, et nous lirons alors et nous montrerons plus volontiers ces mêmes actes, ô mon illustre Seigneur, très-cher et tres-désiré fils ! Notre saint frère et collègue dans l'épiscopat, Boniface, est auprès de vous; je vous ai envoyé un mémoire par le diacre Pérégrin, qui est parti avec lui en entendant la lecture de ce mémoire, ce sera comme si vous m'entendiez. Décidez ensemble ce qui vaudra le mieux pour l'intérêt de l'Eglise, avec l'aide du Seigneur, qui a la puissance de nous secourir en de si grands maux. En ce moment, Macrobe , évêque donatiste, accompagné d'une bande de misérables des deux sexes, court çà et là dans les campagnes; il s'est fait ouvrir des églises que la crainte avait fermées. L'audace de cette troupe a été réprimée par la présence de Spondée , agent de l'illustre Céler, que je vous ai recommandé et que je vous recommande beaucoup encore ; mais depuis que celui-ci est parti pour Carthage, Macrobe s'est fait ouvrir les églises mêmes qui sont situées sur les terres de Céler et y réunit la multitude. Avec Macrobe se trouve Donat, le diacre rebaptisé pendant qu'il tenait à ferme un bien de l'Eglise : c'est lui qui a pris la principale part au meurtre de l'un de nos prêtres. Puisque Macrobe souffre un Donat, quels misérables ne sont pas avec lui ? Si le proconsul ou bien vous avec lui, vous prononcez la sentence contre les coupables et que lui, par hasard, persiste à vouloir les livrer au glaive, malgré sa qualité de chrétien et, autant du moins que j'ai pu le remarquer, son peu de penchant pour de telles sévérités, ordonnez, s'il est (296) nécessaire, que les lettres que je vous ai adressées à tous les deux soient jointes aux Actes. J'entends dire qu'il est au pouvoir du juge d'adoucir la sentence et de diminuer la peine prescrite par les lois. Si le proconsul n'a pas égard à mes lettres, qu'il lui plaise au moins d'ordonner que les coupables soient gardés en prison, et nous travaillerons à obtenir leur grâce de la clémence impériale : il ne faut pas que l'effusion du sang de nos ennemis déshonore les souffrances des serviteurs de Dieu qui doivent être une gloire pour l'Eglise. Car je sais que dans l'affaire des clercs d'Anaune tués par les païens et maintenant honorés comme des martyrs 1, l'empereur ordonna aisément que les meurtriers , qui étaient déjà retenus en prison, ne fussent pas punis de mort.
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Ce sont les saints martyrs Sisinnius, Martyrius et Alexandre, mis à mort en 397. Anaune est située aux environs de la ville de Trente, célèbre par son concile. ↩