12.
Ainsi donc, avec notre nature muable, nous changeons en mieux en participant au Verbe; mais le Verbe immuable n'a rien perdu par sa participation à la chair au moyen d'une âme raisonnable. C'est une erreur des apollinaristes 1 d'avoir cru que le Christ-homme n'a pas eu d'âme ou n'a pas eu une âme raisonnable; l'Ecriture, selon son langage accoutumé, s'est servi du mot : chair, au lieu du mot: homme; elle l'a fait pour mieux montrer l'abaissement du Christ, et de peur qu'on ne crût qu'il avait rejeté le mot de chair comme indigne de lui. Lorsque Isaïe écrit que « toute chair verra le salut de Dieu 2, » il est évident qu'il faut comprendre ici les âmes. Ces mots : « Le Verbe s'est fait chair » ne signifient donc pas autre chose, sinon que le Fils de Dieu s'est fait le Fils de l'homme. « Comme il était dans la forme de Dieu, selon les paroles de l'Apôtre, il n'a pas regardé comme un larcin de s'établir égal à Dieu. » Cette égalité n'était pas en effet une usurpation, et l'on ne pouvait pas dire qu'il y eût larcin de la part du Christ à se l'attribuer : elle était dans sa nature. Cependant « il s'est anéanti lui-même, » non point en perdant la forme divine, mais en prenant la forme de serviteur; « il s'est humilié lui-même, il est devenu obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix 3. » Vous voyez comment l'Apôtre nous fait voir que c'est le même qui est Dieu et homme, pour montrer qu'il n'y a en lui qu'une seule personne, et pour empêcher qu'au lieu de la Trinité, on n'imagine une quaternité, Car de même que l'union du corps à l'âme n'augmente pas le nombre des personnes et ne fait qu'un seul homme; ainsi le nombre des personnes divines demeure le même lorsque l'homme s'unit au Verbe pour ne faire qu'un seul Christ. On lit donc que « le Verbe s'est fait chair, » afin que l'on comprenne l'unité de cette personne, et qu'on ne s'imagine pas que la divinité se soit changée en chair.