5.
En effet, si nous ne croyons à rien de ce que nous n'avons pas vu, à rien de ce que nous n'avons pas perçu nous-mêmes par les yeux du corps ou de l'esprit, ou appris par les saintes Ecritures , comment saurons-nous qu'existent les villes où nous ne sommes jamais allés? Comment saurons-nous que Rome a été fondée par Romulus, et pour parler de temps plus voisins de nous, que Constantinople a été fondée par Constantin? Comment saurons-nous quels parents nous ont mis au monde et quels ont été nos ancêtres? Les choses de ce genre nous sont connues, non point par les yeux du corps comme nous connaissons le soleil, ou par l'œil de l'esprit comme nous connaissons notre volonté, ou par l'autorité des saints Livres comme nous savons qu'Adam a été le premier homme, que le Christ est né, qu'il est mort et qu'il est ressuscité ; mais elles nous sont connues par d'autres témoignages dont nous ne pensons pas pouvoir douter. Si nous nous trompons en pareil cas, en croyant ce qui n'est pas ou en ne croyant pas ce qui est, nous estimons que nous nous trompons sans danger, pourvu que la foi par laquelle la piété se forme ne reçoive aucune atteinte. Ces préliminaires ne touchent pas encore à la question que vous m'avez proposée, mais ils ont pour but de vous apprendre, à vous et à ceux entre les mains de qui tombera cet écrit, de quelle façon vous devez juger mes ouvrages et les ouvrages de qui que ce puisse être: il ne faut pas que vous pensiez savoir ce que vous ne savez point, et que vous croyiez légèrement ce qui ne vous paraît évident ni par les sens du corps ni par la vue de l'esprit, et, en dehors de ces deux moyens de certitude, ce qui ne serait pas imposé à votre (342) foi par l'autorité des Ecritures canoniques.