31.
Vous m'adressez sur l'Evangile une question qui a été faite par plusieurs; vous demandez comment, parmi les diverses personnes de l'un et l'autre sexe qui s'étaient attachées aux pas du Sauveur durant sa vie, les unes le reconnurent, les autres ne le reconnurent point après sa résurrection, où il avait pourtant repris le même corps qu'auparavant. Ce qu'on cherche d'abord , c'est de savoir s'il y eut dans le corps du Seigneur ou dans les yeux de ses disciples quelque chose qui dût empêcher de reconnaître le divin ressuscité. Quand on lit : « Leurs yeux étaient retenus afin qu'ils ne pussent le reconnaître 1 ; » on incline à reconnaître un certain empêchement qui tenait aux yeux. Mais lorsque saint Marc dit que le Seigneur « leur a apparut sous une autre forme 2, » il nous apprend qu'il y avait certainement, dans le corps même du Sauveur quelque chose qui ne permit pas aux disciples de le reconnaître tout de suite. Un visage se reconnaît à deux choses : les traits et la couleur. Puisque la face du Christ est devenue brillante comme le soleil lorsqu'avant sa résurrection il s'est transfiguré sur une montagne 3 , j'admire que nul ne s'étonne qu'il ait pu transformer la couleur de son corps en un si haut degré de splendeur et de lumière ; et on est surpris qu'après sa résurrection il ait changé quelque peu ses traits, de manière à n'être pas reconnu, et que de même qu'après sa transfiguration il eut la puissance de reprendre sa couleur naturelle, il ait repris après sa résurrection ses anciens traits ! Car les trois disciples devant qui il se transfigura sur une montagne ne l'auraient pas reconnu s'il était venu à eux d'un autre endroit avec ce vêtement de lumière; mais comme ils étaient avec lui, ils ne pouvaient pas douter que ce ne fût le Christ lui-même qui se transfigurât de la sorte. On dira que le Sauveur ressuscité avait le même corps qu'auparavant; qu'importe? Le Sauveur avait gardé aussi le même corps dans sa transfiguration sur la montagne ; jeune, il avait le corps dans lequel il était né; et cependant quelqu'un qui ne l'aurait vu qu'enfant et qui l'eût tout à coup retrouvé en pleine jeunesse, ne l'aurait certainement pas reconnu. Dieu ne peut-il changer promptement les traits comme l'âge les change avec le cours des années.