1.
La plainte renfermée dans votre lettre m'est d'autant plus douce qu'elle marque plus d'affection. Si je tâchais de m'excuser d'avoir gardé le silence, que ferais-je sinon de montrer que vous n'avez eu aucun motif de m'adresser vos reproches? Mais comme j'aime mieux que vous ayez remarqué avec chagrin que je me suis tu, malgré les grands soins de votre charge qui, je le croyais, ne devaient pas vous permettre de vous en apercevoir, je déserterais ma cause si je m'efforçais de me justifier. Si vous n'aviez pas eu raison de vous fâcher de ce que je ne vous ai point écrit, c'est que vous ne feriez pas grand cas de moi et que ma parole ou mon silence vous seraient indifférents. M'en vouloir de ne pas vous écrire c'est ne pas m'en vouloir. Ce que j'éprouve donc en ce moment c'est moins le regret de ne pas vous avoir écrit que la joie de vous voir désirer que je vous,écrive. Je ne m'afflige pas; je m'honore du souvenir que garde de moi un ancien ami, et, ce que vous ne devez pas dire, mais ce que je ne puis taire, un si grand personnage qui habile des pays éloignés et qui porte le fardeau des affaires publiques. Pardonnez donc à celui qui vous rend grâce de ne pas l'avoir jugé indigne que vous vous plaigniez de son silence. Je croirai désormais qu'au milieu de tant d'affaires qui ne sont pas les vôtres, mais celles du public, c'est-à-dire de tout le monde, bien loin de vous être à charge, mes lettres pourront être agréables à votre bienveillance, qui l'emporte en vous sur la grandeur.