20.
Vous ajoutez dans votre lettre : « Mais maintenant telles sont nos moeurs que les hommes désirent à la fois la remise de la peine du crime et la possession de la chose pour laquelle le crime a été commis. » Vous parlez ici de la pire espèce d'hommes, celle pour laquelle la pénitence n'est qu'un remède inutile. Si on ne restitue pas, lorsqu'on le peut, le bien d'autrui, on ne fait qu'un semblant de pénitence; si elle est sincère, il n'y a pas de rémission sans restitution; mais, ainsi que je l'ai dit, il faut que la restitution soit possible. Car bien souvent celui qui dérobe perd, soit qu'il tombe entre les mains d'autres méchants, soit qu'il mène lui-même mauvaise vie; et il ne lui reste plus rien pour restituer. Nous ne pouvons dire à cet homme : rendez ce que vous avez pris, que quand nous croyons qu'il l'a et qu'il refuse. Il n'y a pas injustice à presser par la rigueur celui qui ne rend pas et qu'on croit en mesure de restituer, parce que, n'eût-il pas de quoi rembourser l'argent dérobé, il expie ainsi par des souffrances corporelles le tort d'avoir volé. Mais il n'est pas sans humanité d'intercéder même en de tels cas, comme on le fait pour des criminels; l'intercession n'aurait point ici pour but d'empêcher qu'on ne restituât à autrui, mais d'empêcher qu'un homme ne sévît contre un autre homme je parle surtout de celui qui, ayant remis la faute, cherche l'argent et qui, renonçant à se venger, craint seulement qu'on ne le trompe. Si alors nous pouvons persuader que ceux pour lesquels nous intervenons n'ont pas ce qui leur est demandé, les tourments cessent aussitôt. Mais parfois des gens miséricordieux veulent épargner à un homme des supplices certains quand la possibilité de restituer leur paraît incertaine. C'est à vous-mêmes à nous pousser et à nous convier à ces actes de compassion; car mieux vaut perdre son argent, si le voleur l'a encore, que de le torturer ou même de le tuer s'il ne l'a plus. Cependant il convient alors d'intercéder bien plus auprès des réclamants qu'auprès des juges; de peur que ceux-ci, ayant la puissance de faire rendre et n'y forçant pas, n'aient l'air de dérober; et du reste, dans l'emploi de la force pour obtenir les restitutions, ils doivent rester toujours humains.