2.
Vous demandez si quelqu'un en ce monde est assez avancé dans la perfection de la justice pour vivre tout à fait sans péché; écoutez ces paroles de l'apôtre Jean, le disciple que le Seigneur aimait le plus : « Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous 1. » Si donc ceux dont vous parlez disent qu'ils sont sans péché, vous voyez qu'ils se trompent eux-mêmes et que la vérité n'est pas en eux. Mais s'ils avouent qu'ils sont pécheurs, pour mériter la miséricorde de Dieu, qu'ils cessent de tromper les autres et de chercher à leur inspirer un tel orgueil. L'oraison dominicale est nécessaire à tous; elle a été aussi donnée aux béliers du troupeau, c'est-à-dire aux apôtres eux-mêmes, afin que chacun dise à Dieu : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés 2. » Celui qui n'a pas besoin de ces paroles dans la prière, celui-là sera déclaré vivre sans péché. Si le Seigneur avait prévu qu'il pût y avoir des hommes semblables, meilleurs que ses apôtres, il aurait enseigné à ceux-là une autre prière par laquelle ils n'auraient pas demandé le pardon de leurs péchés, le baptême ayant tout effacé. Si saint Daniel, non pas devant les hommes par une trompeuse humilité, mais devant Dieu même, c'est-à-dire dans la prière par laquelle il implorait Dieu, confessait à la fois et les péchés de son peuple et ses propres péchés, comme nous l'atteste sa bouche véridique 3, il ne me paraît pas qu'on puisse dire aux gens dont vous me parlez autre chose que ce que le Seigneur dit à un orgueilleux parle prophète Ezéchiel : « Etes-vous plus sage que Daniel 4 ? »