23.
Voici maintenant en peu de mots une réponse à votre question sur les riches. Ceux dont vous me parlez soutiennent « que le riche ne peut pas entrer dans le royaume de Dieu, à moins qu'il n'ait vendu tout ce qu'il possède et que même les bonnes oeuvres qu'il accomplirait à l'aide de ses richesses ne lui serviraient de rien. » Nos pères, Abraham, Isaac et Jacob, qui depuis longtemps ont quitté cette vie , se sont dérobés aux raisonnements de ces gens-là; tous ces saints personnages n'avaient pas peu de richesses, comme l'Écriture l'atteste. Pourtant Celui qui s'est fait pauvre pour nous, quoiqu'il fût véritablement riche, a prédit par une promesse certaine que plusieurs viendraient de l'Orient et de l'Occident et auraient place dans le royaume des cieux, non pas au-dessus d'eux, ni sans eux, mais avec eux 1. Le riche superbe, vêtu de pourpre et de lin, et qui vivait en des festins splendides, fut condamné après sa mort aux supplices de l'enfer; mais , tout riche qu'il était, s'il avait eu pitié du pauvre couvert d'ulcères qui était couché et dédaigné devant sa porte, il aurait mérité, lui aussi, miséricorde. Et si ce pauvre n'avait été qu'indigent sans être juste, les anges ne l'auraient point emporté dans le sein d'Abraham , qui avait été riche sur la terre. Pour nous faire comprendre que dans l'un ce ne fut pas la pauvreté en elle-même qui reçut une récompense divine et que dans l'autre ce ne furent pas les richesses en elles-mêmes qui encoururent la condamnation, mais la piété du pauvre et l'impiété du riche ; l'Evangile nous montre en même temps le riche impie livré au,supplice du feu et le pauvre pieux porté dans le sein du riche 2. Pendant que ce riche vivait, il possédait ses richesses avec de telles dispositions de coeur et les considérait pour si peu de chose à côté des commandements de Dieu, qu'il ne refusa pas, comme témoignage de soumission aux ordres divins, l'immolation même d'un fils unique, à qui il espérait et souhaitait laisser ses richesses en héritage.