3.
Voici donc les choses sur lesquelles je vous demande de vouloir bien m'éclairer. Je suis, je l'avoue, de ceux que préoccupe la question de l'âme. Je dirai ce que je tiens pour constant à cet égard; puis je vous soumettrai ce qui me paraîtrait mériter explication. L'âme de l'homme est immortelle selon une certaine manière qui lui est propre; car elle ne l'est pas de toute manière comme Dieu dont il a été dit que « seul il a l'immortalité 1. » La sainte Ecriture dit beaucoup de choses sur la mort de l'âme; de là ces paroles : « Laissez les morts ensevelir leurs morts 2. » Privée de la vie de Dieu, l'âme meurt de façon pourtant à ne pas cesser de subsister dans sa nature; quoiqu'elle soit mortelle en un sens, on a raison de dire qu'elle est immortelle. L'âme n'est pas une portion de Dieu; car si cela était, elle serait de toute manière immuable et incorruptible; si cela était, il n'y aurait en elle ni défaillance ni progrès; elle ne commencerait jamais à avoir ce qu'elle n'a pas et ne cesserait jamais d'avoir ce qu'elle a, en ce qui regarde ses sentiments. Or il n'est pas besoin d'un témoignage du dehors pour montrer qu'il n'en est pas ainsi; quiconque se considère lui-même le reconnaît. Ceux qui veulent que l'âme soit une portion de Dieu attribuent vainement au corps et non point à l'âme les souillures et les infamies que nous voyons dans les hommes les plus pervers, la faiblesse et la langueur que nous souffrons dans tous les hommes : qu'importe par où l'âme soit malade puisqu'elle ne pourrait pas l'être si elle participait à l'immutabilité. Ce qui est immuable et incorruptible ne peut être changé ni corrompu par quoi que ce soit; autrement ce ne. serait pas seulement Achille qui serait invulnérable, comme le rapportent les fables, ce serait toute chair, si rien de mal ne pouvait lui arriver. Une nature qui peut changer de quelque manière, par quelque cause, en quelque endroit n'est donc pas une nature immuable : or il n'est pas permis de croire que Dieu ne soit pas véritablement et souverainement immuable. L'âme n'est donc pas une portion de Dieu.