15.
«Les juifs demandent des miracles, dit l'apôtre Paul, et les Grecs cherchent la sagesse : mais nous, nous prêchons le Christ crucifié ; il est un scandale pour les juifs et une folie pour les gentils, mais la force de Dieu et la sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, soit juifs, soit gentils 1. » Ceux que l'Apôtre appelle Grecs, il les désigne aussi sous le nom de gentils, à cause de la grande supériorité de la langue grecque parmi les peuples de la gentilité; mais il appelle juifs ceux que tous connaissent sous ce nom. Car si les chrétiens eux-mêmes sont juifs, le Christ crucifié est donc aussi un scandale pour les chrétiens, puisqu'il est dit de lui : « Il est un scandale pour les juifs. » Le peut-on penser sans extravagance ? L'Apôtre dit aussi : « Ne soyez point un objet de scandale ni pour les Juifs, ni pour les Grecs, ni pour l'Eglise de Dieu 2. » Comment saint Paul ferait-il cette différence, si, dans son langage ordinaire, il avait dû donner le nom de juifs à ceux qui composent l’Eglise de Dieu ? Il dit aussi: : Nous qu'il a appelés, non-seulement d'entre les juifs, mais encore d'entre les gentils 3. » Comment Dieu les aura-t-il appelés d'entre les juifs s'il les a appelés d'entre ceux qui n'étaient pas juifs pour qu'ils le devinssent? De même pour les israélites : « Que dirons-nous donc? » c'est l'Apôtre qui parle, «que les gentils qui ne cherchaient point la justice, ont trouvé la justice, et la justice qui vient de la foi. Mais les israélites, recherchant la loi de la justice, ne sont point parvenus à la loi de la justice. Pourquoi? Parce qu'ils ne l'ont point recherchée par la foi, mais par les oeuvres; ils ont heurté contre la pierre d'achoppement 4. » Et ailleurs, dans la même épître; « Que dit le Seigneur à Israël? J'ai étendu mes mains tout le jour vers ce peuple incrédule et rebelle à ma parole 5. » Et l'Apôtre ajoute : « Je dis donc : Est-ce que Dieu a rejeté son peuple? Loin de moi cette pensée ! car je suis moi-même israélite, de la race d'Abraham et de la tribu de Benjamin. Dieu n'a pas rejeté son peuple qu'il a connu dans sa prescience 6. » Comment donc l'Apôtre appelle-t-il les israélites un peuple incrédule et rebelle, si les chrétiens sont israélites, et comment lui-même s'appelle-t-il israélite. Est-ce parce qu'il était devenu chrétien? Non sans doute; mais parce que, selon la chair,il était de la race d'Abraham et de la tribu de Benjamin. Nous n'appartenons pas, nous, à cette race selon la chair quoique nous soyons fils d'Abraham selon la foi, et c'est pourquoi nous sommes israélites. Mais autre chose est ce qui se découvre dans la profondeur d'un mystère, autre chose est ce qui tient aux habitudes du langage de tous les jours.