9.
Si on donne une autre nourriture à celles qui sont faibles par suite d'anciennes habitudes, celles que d'autres habitudes ont rendues plus fortes ne doivent pas se plaindre de cette différence de régime ni la croire injuste. Qu'elles ne regardent pas comme plus heureuses celles qui mangent ce qu'elles ne mangent pas elles-mêmes : mais qu'elles se félicitent plutôt de pouvoir ce que celles-là ne peuvent point. Si les sueurs qui ont passé d'une vie délicate au monastère reçoivent en fait de nourriture, de vêtement, de lit et de couvertures, quelque chose que d'autres plus fortes, et par conséquent plus heureuses ne reçoivent pas, celles à qui ces choses ne sont pas données doivent considérer de quelle grande vie du monde sont descendues leurs compagnes délicates en embrassant la profession religieuse, quoiqu'elles n'aient pas pu arriver à la frugalité des plus robustes. Elles ne doivent pas se troubler de ce que d'autres reçoivent davantage, non comme marque d'honneur , mais par pure tolérance : il serait détestable que dans le monastère, où les femmes riches deviennent aussi dures pour elles-mêmes qu'elles le peuvent, les pauvres devinssent délicates. Les malades, pour ne pas être chargées, prennent moins de nourriture; après la maladie, il faut les traiter de manière qu'elles soient promptement rétablies, lors même que, dans le monde, elles auraient appartenu à la condition la plus pauvre : le mal les a rendues délicates comme le sont les riches par leur vie d'autrefois. Mais aussitôt qu'elles ont retrouvé toutes leurs forces, elles doivent revenir à leur heureuse habitude, qui convient d'autant plus à des servantes de Dieu, qu'elles ont moins de besoins : il ne faut pas que, redevenues bien portantes , elles veuillent vivre comme quand il était nécessaire de soutenir leur faiblesse. Que celles-là se croient les plus riches qui pourront supporter le plus de privations. Car mieux vaut avoir besoin de moins que d'avoir plus.