1.
Le très-glorieux Théodose étant consul pour la douzième fois et Valentinien auguste pour la seconde, le 6 des calendes d'octobre, après que l'évêque Augustin a eu pris place, avec ses collègues Beligien et Martinien, dans l'église de la Paix, à Hippone , les prêtres Saturnin , Léporius , Barnabé, Fortunatien , Lazare et Héraclius étant présents devant le clergé et un peuple nombreux, Augustin évêque s'est exprimé ainsi :
Nous devons nous occuper sans retard de ce que je vous ai annoncé hier; j'ai voulu pour cela que vous fussiez ici en grand nombre, et je vous y vois. Si je voulais vous parler d'autre chose, vous l'écouteriez mal dans l'attente où vous êtes.
Nous sommes tous mortels en cette vie, et nul homme ne sait son dernier jour. Pourtant, dans l’âge naissant, on espère l'enfance; dans l'enfance, on espère l'adolescence; dans l'adolescence, on espère la jeunesse; dans la jeunesse, on espère l'âge mûr; dans l'âge mûr, on espère la vieillesse ; on n'est pas sûr que cela arrive, toutefois on peut l'espérer. Mais la vieillesse n'a pas devant elle un âge qu'elle puisse espérer : sa durée même est incertaine; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il ne reste aucun âge après la vieillesse. Dieu l'ayant voulu, je suis arrivé en cette ville dans la vigueur de l'âge; je fus jeune et me voilà vieux. Je sais qu'après la mort des évêques, les ambitions et les contestations troublent souvent les Églises; je dois, autant qu'il est en moi, épargner à cette ville ce qui a fait plus d'une fois le sujet de mes afflictions.
Comme votre charité l'a su, je suis allé récemment à Milève ; mes frères, et surtout les serviteurs de Dieu qui sont là m'avaient appelé. La mort de mon frère et collègue Sévère,d'heureuse mémoire, faisait craindre du trouble. Je suis donc allé à Milève, et, la miséricorde de Dieu aidant, on a tranquillement accepté le successeur que Sévère avait désigné de son vivant; le peuple a volontiers accueilli la volonté de l'évêque défunt, du moment qu'il en a eu connaissance. Un certain nombre, toutefois , se montrait contristé de quelque chose qui n'avait pas été fait; notre frère Sévère, croyant qu'il suffisait de désigner son successeur à son clergé, n'en avait rien dit au peuple; de là la tristesse de quelques-uns. Que dirai-je de plus? grâce à Dieu, la tristesse s'en est allée, la joie est venue à sa place ; on a ordonné celui que le précédent évêque avait choisi. Donc , pour que personne ne se plaigne de moi , je vous déclare à tous ma volonté, que je crois être celle de Dieu; je veux pour successeur le prêtre Héraclius. Le peuple s'est écrié: Rendons grâces à Dieu ! louanges au Christ ! Cela a été dit vingt-trois fois. Christ, exaucez-nous ! longue vie à Augustin ! Cela a été dit seize fois. Vous pour père ! vous pour évêque ! Cela a été dit huit fois.