8.
Si vraiment nous voulons défendre le libre arbitre, ne combattons pas ce qui fait notre liberté; car celui qui combat la grâce par la quelle notre volonté devient libre de s'éloigner du mal et de faire le bien, veut que la volonté demeure encore captive. Si ce n'est pals Dieu qui délivre notre volonté et si elle se délivre elle-même, dites-moi, je vous prie, ce que signifient ces paroles de saint Paul : « Rendons grâces au Père qui nous a rendus dignes d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière, qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour 1 ? » Nous mentons donc en rendant grâces au Père, comme s'il faisait ce qu'il ne fait pas? Il s'est donc trompé celui qui a dit que Dieu « nous a rendus dignes de participer à l'héritage des saints dans la lumière, » parce que c'est lui qui « nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour? » Dites-moi comment notre volonté avait la liberté de s'éloigner du mal et de faire le bien, lorsqu'elle était sous la puissance des ténèbres? Si c'est Dieu qui nous a « délivrés, » comme dit l'Apôtre, c'est lui assurément qui a rendu notre volonté libre. S'il opère un bien si grand par la seule prédication de sa doctrine, que dirons-nous de ceux qu'il n'a pas encore délivrés de la puissance des ténèbres? Faut-il seulement que la doctrine divine leur soit prêchée, ou faut-il aussi prier pour que Dieu les tire de la puissance des ténèbres? Si vous prétendez qu'on doive se borner à la prédication, vous êtes en contradiction avec les ordres de Dieu et avec les prières de l'Eglise; si vous avouez qu'on doit prier pour eux, vous avouez par là qu'il faut demander que, leur volonté étant délivrée de la puissance des ténèbres, ils embrassent la loi de Dieu. De la sorte, ils ne deviennent pas fidèles sans le libre arbitre, et ils le deviennent par la grâce de Celui qui a délivré ce libre arbitre de la puissance des ténèbres. Ainsi est reconnue la grâce de Dieu, la vraie grâce que nul mérite ne précède; et le libre arbitre est défendu, de façon à s'affermir par l'humilité sans se ruiner par l'orgueil; ainsi celui qui se glorifie doit se glorifier dans le Seigneur et non pas dans l'homme ni dans tout autre, ni dans lui-même 2.