12.
Si vous n'étiez pas marié, je vous dirais, comme à Tubunes, de vivre dans une sainte continence; je vous demanderais ce que nous vous défendîmes alors, je vous demanderais, autant que vous le permettraient les choses humaines, de renoncer aux armes et de vivre dans la société des saints, comme vous le souhaitiez à cette époque : c'est là que les soldats du Christ combattent en silence, non point pour tuer des hommes, mais pour résister aux princes, aux puissants et aux esprits du mal 1, c'est à dire au démon et à ses anges. Car les saints triomphent de ces ennemis qu'ils ne peuvent pas voir; ils triomphent de ces ennemis invisibles en se domptant eux-mêmes. Mais votre mariage m'empêche de vous exhorter à embrasser la vie monastique; il ne vous serait pas permis de vivre dans la continence sans le consentement de votre femme. Vous n'auriez pas dû vous marier après les paroles de Tubunes ; mais celle qui est maintenant votre femme, ne les connaissant pas, s'est unie à vous en toute simplicité de coeur. Plût à Dieu que vous pussiez lui persuader de garder la continence, pour que rien ne vous empêche d'accomplir envers Dieu les promesses que vous reconnaissez lui avoir faites ! Mais si cela ne se peut, conservez au moins la chasteté conjugale, et demandez à ce Dieu qui vous tirera de vos maux, de pouvoir faire un jour ce que vous ne pouvez pas présentement. Cependant le mariage n'empêche pas ou ne doit pas empêcher que vous aimiez Dieu et que vous n'aimiez pas le monde; que dans les entreprises de guerre où vous pouvez vous trouver encore, vous gardiez la foi promise et ne perdiez jamais de vue la paix; que vous vous serviez des biens de ce monde pour accomplir de bonnes oeuvres, et qu'à cause de ces biens vous ne fassiez jamais le mal. Voilà, mon fils bien-aimé, ce que mon amour pour vous m'a porté à vous écrire; c'est un amour selon Dieu et non pas selon le monde. L'Ecriture a dit : « Reprenez le sage, et il vous aimera; reprenez l'insensé, et vous gagnerez qu'il vous haïsse 2. » J'ai dû penser que vous n'étiez pas un insensé, mais un sage.