3.
Je m'étonne qu'on fasse si peu attention au soin particulier qu'a pris l'Evangéliste de s'exprimer de manière à couper court à tout subterfuge; il ne s'est pas contenté de dire
« Toutes choses ont été faites par lui, » mais il a voulu ajouter : « et sans lui rien n'a été fait. » Quant à moi, malgré l'épaisseur de mon esprit et de mes ténèbres, et quoique mon âme ne puisse contempler qu'avec un oeil malade l'incomparable et ineffable excellence du Père et du Fils, j'entends sans difficulté ce que l'Evangile nous a ainsi marqué d'avance : ce n'est pas pour que nous comprenions cette divinité, c'est pour nous avertir de ne pas nous vanter témérairement de comprendre ce qui dépasse notre pensée. Car si toutes choses ont été faites par le Verbe, tout ce qui n'a pas été fait par lui n'a pas été fait; or le Fils n'a pas été fait par lui-même, il n'a donc pas été fait. Nous sommes forcés par l'Evangéliste de croire que tout a été fait par le Fils de Dieu: il nous force donc aussi de croire que le Fils n'a pas été fait. Si sans lui rien n'a été fait, lui-même n'est donc rien, puisqu'il a été fait sans lui. Si c'est un sacrilège de le penser, il nous faut avouer qu'il n'a pas été fait sans lui ou bien qu'il na pas été fait. Or, nous ne pouvons pas dire qu'il ait été fait sans lui. Car s'il s'est fait lui-même, il était donc avant d'être; et s'il a aidé un autre à le faire, il fallait exister déjà pour prêter son aide à celui-ci. Reste donc à dire qu'il a été fait sans lui. Mais tout ce qui a été fait sans lui n'est rien ; donc, ou le Fils n'est rien, ou il n'a pas été fait. Mais on ne peut pas dire qu'il ne soit rien; il n'a donc pas été fait. Et s'il n'a pas été fait, et qu'il soit le Fils cependant, il est donc né sans aucun doute.