5.
Si j'ai le loisir et le pouvoir de répondre au livre que vous avez bien voulu m'envoyer, vous reconnaîtrez, je crois, qu'on est d'autant moins revêtu de la lumière de la vérité qu'on se flatte davantage de la contempler et de la montrer sans voile. Pour ne citer que ce seul endroit du livre que vous m'avez adressé, et qui m'a paru déplorable, comment laisser dire à votre auteur qu'il a dépouillé la vérité de tout ce qui la couvrait, et qu'il la montre à qui veut la voir lorsque saint Paul nous dit :
« Maintenant nous voyons comme dans un miroir et en énigme, mais alors nous verrons face à face ? » Si votre auteur avait. dit : Nous voyons la vérité à découvert, il n'y aurait rien de plus aveugle qu'une aussi orgueilleuse prétention ; il ne se borne pas à dire nous voyons, mais : nous montrons; de sorte que ce n'est pas assez de prétendre que la vérité se découvre à l'esprit, on veut encore qu'elle demeure pleinement soumise à la puissance de là parole humaine. Beaucoup de choses se disent sur l'ineffabilité de la Trinité; ce n'est pas pour l'expliquer, car alors elle cesserait d'être ineffable, mais c'est afin qu'après ces inutiles efforts de la parole humaine on comprenne que la Trinité demeure au-dessus de toute explication.
Voilà une lettre déjà trop longue, d'autant plus que la vôtre m'a averti qu'il fallait être court. Vous avez voulu autoriser votre brièveté par la coutume des anciens ; vous pourrez toutefois ne pas trouver étrange que j'aie été moins court que vous, si vous vous rappelez l'étendue de quelques-unes des lettres de Cicéron : je cite cet ancien parce que vous avez invoqué son exemple.