17.
Cécilien devait-il se confier à de tels juges, lorsqu'il en avait auprès de qui il pouvait très-aisément prouver son innocence si sa cause était portée à leur tribunal? Il ne devait pas se confier à eux, quand même il eût été un étranger ordonné tout à coup évêque de l'Eglise de Carthage, quand même il aurait ignoré ce que pouvait alors pour corrompre les méchants et les simples une certaine Lucille, très-riche femme qu'il avait offensée étant diacre, en la reprenant au nom de la discipline ecclésiastique elle avait été comme un surcroît de mal pour consommer l'iniquité 1. Car dans ce concile où des traditeurs qui s'étaient avoués coupables condamnèrent des absents et des innocents, ils étaient en petit nombre ceux qui cherchaient à couvrir leurs crimes parla diffamation d'autrui, et qui, par de fausses rumeurs, travaillaient à détourner de la recherche de la vérité; ces meneurs et ces intéressés étaient eh petit nombre, malgré le crédit que leur donnaient leurs relations avec Sécondus qui, tremblant pour lui-même, les avait épargnés. Ce fut surtout l'argent de Lucille qui gagna les autres et les poussa contre Cécilien. Dans les actes déposés chez Zénophile, personnage consulaire, il est dit qu'un certain diacre appelé Nondinarius, ayant été dégradé par Sylvain, évêque de Cirta, et n'ayant pu parvenir à le fléchir par des lettres d'autres évêques, exhala sa colère en révélations multipliées, et les produisit en jugement public ; entre autres faits qui furent alors déclarés et qui se trouvent consignés dans les actes, on remarque que l'argent de Lucille corrompit les évêques et qu'à Carthage, métropole de l'Afrique, on éleva autel contre autel. Je sais que nous ne vous lûmes pas ces actes, mais vous vous souvenez bien que ce fut le temps qui nous manqua. Un mécontentement né de l'orgueil favorisa aussi la défection de ces évêques; ils supportaient mal de n'avoir pas ordonné eux-mêmes le pontife de Carthage.
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Saint Jérôme, dans une de ses lettres, parle des misérables femmelettes (miserae mulierculœ), qui se rencontrent dans l'histoire des hérésies. A côté de Simon le Magicien, il voit la courtisane Hélène ; à côté d'Apelles, Philumène; à côté de Montan, Prises et Maximille; à côté de Donat, Lucille; à côté d'Elpide, Agapet. Des femmes jouent aussi un rôle dans les hérésies de Nicolaüs d'Antioche, de Marcion et d'Arius. Lettre de saint Jérôme à Ctésiphon contre Pélage. ↩