6.
J'ignore quels sont ces écrits injurieux qui sont parvenus contre vous en Afrique. Cependant j'ai reçu la réponse que vous y avez faite et que vous avez daigné m'envoyer. Après l'avoir lue, j'ai déploré amèrement de voir de si vives discordes entre deux amis aussi intimes, dont jusque-là presque toutes les églises avaient connu les étroites relations. On remarque assez dans votre lettre combien vous vous modérez, combien vous retenez les traits de votre indignation, afin de ne pas rendre injure pour injure. Cependant, si, en lisant cette lettre, j'ai séché de douleur et frissonné d'effroi, qu'éprouverais-je si ce qui a été écrit contre vous tombait entre mes mains ? « Malheur au monde par les scandales 1. » Voilà que nous voyons arriver, voilà que s'accomplit ce que la Vérité a dit: « Parce que l'iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira 2. » Quels cœurs désormais pourront s'épancher avec confiance et sécurité ? Dans le sein de qui l'amitié pourra-t-elle se jeter tout entière? de quel ami n'aura-t-on pas peur comme d'un futur ennemi, si cette division que nous pleurons a pu naître entre Jérôme et Ruffin ? O triste et misérable condition humaine ! ô qu'il y a peu à se fier aux amis pour le présent, quand on ne sait rien de leurs sentiments pour l'avenir ! Mais pourquoi gémirait-on de cette ignorance où l'on est à l'égard l'un de l'autre lorsque l'homme ne sait pas lui-même ce qu'il sera ? C'est à peine s'il se connaît dans le présent; mais ce qu'il sera dans l'avenir, il l'ignore.