8.
Ceci ne doit pas être ennuyeux pour le lecteur; mais doit lui servir, ainsi qu'à moi, à prouver qu'avant l'apôtre Paul , Pierre n'avait pas ignoré, lui, l'auteur même de ce décret, que la loi n'était plus obligatoire après l'Évangile. Enfin l'autorité de Pierre fut si grande, que Paul écrivit dans son épître : « Trois ans après, j'allai à Jérusalem voir Pierre, et je restai quinze jours auprès de lui 1. » Et plus bas : « Quatorze ans après, je montai de nouveau à Jérusalem avec Barnabé , ayant pris aussi Tite. Or, j'y montai par une révélation, et je leur exposai l'Évangile que je prêche au milieu des gentils. » Paul montrait par là qu'il n'aurait point prêché son Evangile en toute sécurité s'il n'avait été appuyé par le sentiment de Pierre et de ceux qui étaient avec lui. Il ajoute aussitôt: « J'exposai mon Evangile en particulier à ceux qui paraissaient les plus considérables, de peur de courir ou d'avoir couru en vain. » Pourquoi en particulier, et non pas en public? C'était pour empêcher qu'un scandale n'éclatât parmi les fidèles d'entre les juifs, qui pensaient qu'il fallait garder la loi, tout en croyant dans le Seigneur notre Sauveur. Et, dans ce temps, Pierre étant allé à Antioche (quoique ceci ne se trouve pas dans les Actes des apôtres, nous devons en croire le témoignage de Paul), « Paul lui résista en face, parce qu'il était répréhensible. Avant que quelques-uns vinssent d'auprès de Jacques , Pierre mangeait avec les gentils; à leur arrivée, il se retirait, et se séparait d'eux, craignant les reproches des circoncis. Et les autres juifs et Barnabé furent portés à user de la même feinte. Mais quand je vis, dit Paul, qu'ils ne marchaient pas droit, selon la vérité de l'Evangile , je dis à Pierre , devant tout le monde : Si vous, qui êtes juif, vous vivez comme les gentils, et non pas comme les juifs, comment forcez-vous les gentils à judaïser 2 ? » et le reste. Ainsi, il n'est douteux pour personne que l'apôtre Pierre n'ait été le premier auteur de l'ordonnance à laquelle on l'accuse ici d'avoir manqué. La cause de la prévarication, c'est la peur des juifs. Car l'Ecriture dit que Pierre mangeait. d'abord avec les gentils : mais après que quelques-uns furent venus d'auprès de Jacques, il s'en retirait et s'en séparait, craignant les reproches des circoncis. Il appréhendait que les juifs, dont il était l'apôtre, ne s'éloignassent de la foi du Christ à l'occasion des gentils; imitateur du bon Pasteur, il tremblait de perdre le troupeau confié à ses soins.