10.
Sion nous dit que les dieux ont toujours été, qu'ils ont eu toujours et partout la puissance de délivrer leurs adorateurs, mais que, sachant ce qui convenait aux temps et aux lieux à cause de la diversité des âges et des choses humaines, ils n'ont pas voulu être servis de la même façon en tous pays et à toutes les époques, pourquoi appliquent-ils à la religion chrétienne une difficulté à laquelle ils ne peuvent répondre pour leurs dieux sans répondre aussi pour nous-mêmes : que la différence des cérémonies selon les temps et les lieux importe peu, si ce qu'on adore est saint; de même que peu importe la diversité des sons au milieu de gens de diverses langues si ce qu'on dit est vrai ? Ils doivent néanmoins reconnaître ici une différence, c'est que les hommes peuvent, par un certain accord de société, former des mots pour se communiquer leurs sentiments 1, et que les sages, en matière de religion, se sont toujours conformés à la volonté de Dieu. Cette divine volonté n'a jamais manqué à la justice et à la piété des mortels pour leur salut, et si chez divers peuples il y a diversité de culte dans une même religion, il faut voir jusqu'où vont ces différences et concilier ce qui est dû à la faiblesse de l'homme et ce qui est dû à l'autorité de Dieu.
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On se tromperait si on voulait s'armer de ce passage de saint Augustin pour prouver que le langage est d'invention humaine. Le texte porte : lingua sonos, quibus inter se sua sensa communicent etiam homines, pacto guodam societatis sibi instituere possunt. Jamais ces mots linquae sonos instituere ne voudront dire : inventer une langue. La formation des mots ou des langues ne saurait être ni la création de la langue primitive ni l'invention du langage. La première langue est celle du premier homme parce que Dieu lui a parlé, et, quant à la parole, elle est éternelle. ↩