20.
Les païens semblent vouloir se faire pardonner leurs sacrilèges par la beauté de leurs interprétations. Mais ces interprétations ne les excusent point, car elles ne se rapportent qu'à la créature et non pas au Créateur, à qui seul est dû le culte que les Grecs désignent sous le nom de latrie. Nous ne disons pas que la terre, les mers, le ciel, le soleil, la lune, les étoiles et certaines puissances célestes non placées à notre portée soient des démons: mais comme toute créature est partie corporelle, en partie incorporelle, ou, comme nous l'appelons encore, spirituelle, il est clair que ce que nous faisons avec piété et religion part de la volonté de l'âme, qui est une créature spirituelle, préférable à tout ce qui est corporel; d'où il résulte qu'on ne doit pas sacrifier à la créature corporelle. Reste la spirituelle, qui est pieuse ou impie : pieuse dans les hommes et les anges fidèles, servant Dieu comme il faut le servir; impie dans les hommes injustes et les mauvais anges que nous appelons aussi démons; c'est à cause de cela qu'on ne doit pas sacrifier non plus à une créature spirituelle, quoiqu'elle soit juste. Car plus elle est pieuse et soumise à Dieu, plus elle repousse un tel honneur qu'elle sait n'être dû qu'à Dieu; combien donc il est plus détestable encore de sacrifier aux démons, c'est-à-dire à une créature spirituelle tombée dans l'iniquité, reléguée dans cette basse et ténébreuse région du ciel comme dans une prison aérienne, et prédestinée à un supplice éternel ! Aussi lorsque les païens nous disent qu'ils sacrifient à des puissances supérieures qui ne sont pas des démons, qu'il n'y a entre l'objet de leur culte et le nôtre qu'une différence de noms, et que nous appelons des anges ce qu'ils appellent des dieux, ils sont à leur insu le jouet des ruses si variées des démons qui jouissent et se repaissent en quelque sorte des erreurs humaines; les saints anges n'approuvent d'autre sacrifice que celui que la vraie doctrine et la vraie religion apprennent à offrir à ce Dieu unique qu'ils servent saintement. Et de même que l'orgueil impie soit des hommes, soit des démons, exige ou souhaite les honneurs divins, ainsi la pieuse humilité, soit des hommes, soit des anges, a toujours rejeté de tels hommages et montré à qui ils étaient dus. On en voit d'éclatants exemples dans nos saintes Ecritures.