25.
Mais comme le Christ a dit: « Vous serez mesurés à la même mesure dont vous aurez mesuré, » et qu'évidemment autre chose est la mesure, autre chose est ce qui est mesuré, il pourrait se faire qu'on donnât mille boisseaux de froment à qui n'en aurait donné qu'un seul, de façon que la différence ne serait pas dans la mesure, mais dans la quantité. Je ne dirai rien de la différence des choses mêmes,car non-seulement il est possible qu'on mesure du froment là où un autre aura mesuré de l'orge, mais encore qu'on mesure de l'or là où un autre aurait mesuré du froment; et il est même possible qu'il y ait un seul boisseau de froment et plusieurs boisseaux d'or. Quoique, sans comparer les choses elles mêmes, l'espèce et la quantité diffèrent entre elles, on peut dire avec vérité : on a mesuré pour lui à la même mesure dont il a mesuré.
Or, le sens des paroles du Christ éclate suffisamment par ce qui précède : « Ne jugez point pour que vous ne soyez point jugés : car vous serez jugés comme vous aurez jugé les autres. » Faut-il conclure de là que s'ils jugent iniquement, ils seront iniquement jugés? Point du tout. Il n'y a en Dieu aucune injustice. Mais c'est comme s'il était dit : la volonté qui vous aura servi à faire le bien servira à votre délivrance; la volonté qui vous aura servi à faire le mal servira à votre châtiment. Si quelqu'un, par exemple, était condamné à perdre les yeux qui auraient été l'instrument de mauvais désirs, c'est en toute justice qu'il s'entendrait dire : soyez puni dans ces yeux par où vous avez péché. Car chacun se sert de son propre jugement, bon ou mauvais, pour le bien ou pour le péché. Il est donc juste qu'il soit jugé dans ce qui juge en lui, afin qu'il porte là peine dans son propre jugement, en souffrant les maux qui accompagnent le dérèglement de l'esprit.