36.
Que les païens rient encore, et, en voyant le Christ figuré par un ver, que leur superbe faconde tourne en dérision cette interprétation d'un mystère prophétique, pourvu toutefois que ce ver mystérieux les consume insensiblement pour en faire des hommes nouveaux. Car c'est d'eux qu'Isaïe a prophétisé, lorsque le Seigneur a dit par sa bouche : Ecoutez-moi, a mon peuple, vous qui connaissez la justice, « et qui portez ma loi dans vos coeurs : ne craignez pas les reproches des hommes, ne vous laissez pas abattre par leurs calomnies, et ne tenez pas grand compte de leurs mépris. Ils seront consumés par le temps comme un vêtement, et seront mangés par la teigne comme la laine; mais ma justice demeure éternellement 1. » Quant à nous, reconnaissons le Christ dans le ver du matin, parce que dans le psaume intitulé : Pour le secours du matin 2, il a daigné lui-même s'appeler de ce nom : « Je suis un ver, dit-il, et non pas un homme ; je suis l'opprobre des hommes et le mépris du peuple. » Cet opprobre est de ceux qu'Isaïe nous recommande de ne pas craindre
« Ne craignez pas les opprobres des hommes. » Ils sont mangés par ce ver comme par la teigne, ceux qui sous sa dent évangélique s'étonnent que leur nombre diminue de jour en jour. Reconnaissons ce ver, et, pour le salut que Dieu nous a promis, supportons les opprobres de ce monde. Le Christ est un ver par son abaissement sous un vêtement de chair; peut-être aussi parce qu'il est né d'une vierge; car le ver, quoiqu'il soit le produit de la chair ou de n'importe quelle chose terrestre, ne doit sa naissance à aucune sorte d'union. Le Christ est le ver du matin parce qu'il est ressuscité au point du jour. Cette citrouille dont l'ombre couvrit le front du prophète pouvait sécher sans qu'aucun ver la touchât. Et si Dieu avait besoin d'un ver pour cela, pourquoi dire un ver du matin, si ce n'est pour faire reconnaître sous cette figure celui qui chante Pour le secours du matin : « Mais moi je suis un ver et non pas un homme ? »