5.
Repassez ma lettre si cependant elle vous a paru mériter non d'être relue quand vous avez dû me répondre, mais d'être conservée pour qu'on la reinette sous vos yeux quand vous la redemanderez ; repassez donc ma lettre et voyez ce que j'y ai dit; vous y trouverez ceci à quoi vous avouerez sans doute que vous n'avez pas répondu : « Nous ne songeons pas à satisfaire à des sentiments de colère en vengeant le passé, mais nous cherchons miséricordieusement à pourvoir aux intérêts de l'avenir. Les méchants peuvent être punis par les chrétiens non-seulement avec douceur, mais d'une façon qui leur est utile (189) et salutaire; car les méchants ont de quoi soutenir la santé de leur corps, ont de quoi vivre, ont de quoi mal vivre. Que la vie et la santé demeurent sauves, afin que le repentir soit possible; voilà ce que nous souhaitons, ce que nous demandons avec instance, autant qu'il est en nous, et même par de laborieux efforts. Mais quant aux ressources pour mal vivre, si Dieu veut les retrancher comme nuisibles , il punira très-miséricordieusement. » Si vous aviez eu ces paroles présentes à l'esprit quand vous avez bien voulu me répondre, vous auriez jugé qu'il était plus odieux qu'obligeant de me demander de ne pas livrer à la mort ou à la torture les gens pour lesquels vous intercédez; car j'ai dit qu'il ne fallait pas toucher à leur corps. Vous n'auriez pas craint non plus que je voulusse les réduire a l'indigence et à la charité d'autrui, puisque j'ai dit qu'il fallait leur laisser de quoi vivre. Mais ils ont de quoi mal vivre, c'est-à-dire, pour ne pas parler d'autre chose, ils ont les moyens de fabriquer des statues de faux dieux en argent; c'est afin de conserver ces faux dieux, de les adorer, de continuer à leur égard un culte sacrilège, qu'ils mettent le feu à l'Eglise de Dieu, qu'ils livrent à la cupidité de la multitude la subsistance des pauvres, amis de Dieu, et qu'ils répandent le sang; et vous qui prenez souci de cette ville, pourquoi craignez-vous de retrancher ce qui serf d'instrument à ces mauvais desseins, et pourquoi voulez-vous entretenir et accroître par une fâcheuse impunité l'audace de nos ennemis? Apprenez-nous, dites-nous clairement quel mal il y aurait à punir les coupables de cette façon et dans cette mesure. Faites bien attention à ce que nous disons, de peur que, sous le semblant d'une prière, vous ne dénaturiez nos paroles pour les changer contre nous en insinuations accusatrices.