2.
Je rends grâces à Dieu et à Notre-Seigneur de votre espérance, de votre foi et de votre charité qui vous portent à avoir si bonne opinion de moi que vous me croyez un fidèle serviteur de Dieu; je me réjouis que vous aimiez dans la pureté de votre coeur la piété que vous me supposez : je vous dois plus de félicitations que de remercîments ; car il vous est profitable d'aimer le bien, ce bien qu'on aime lorsqu'on aime quelqu'un que l'on croit bon, à tort ou à raison. Il faut seulement prendre garde de juger, non pas d'un homme, mais de ce qui constitue le bien même de l'homme, autrement que la vérité ne le demande. Pour vous, frère très-cher, qui rie vous trompez pas en croyant que c'est un grand bien de servir Dieu de bon,coeur et chastement, quand vous aimez un homme par la seule raison qu'il vous semble avoir part à ce bien, le fruit de cette affection vous reste, lors même que celui qui en est l'objet ne serait pas ce que vous pensez. Voilà pourquoi c'est vous qu'il faut féliciter de ce goût pour le vrai bien; et quant à celui que vous aimez, il n'a droit aux hommages que s'il est tel que vous l'aimez. Il appartient à Dieu seul de voir comme je suis et en quoi j'ai avancé ; il ne peut se tromper ni sur ce qui fait le bien de l'homme ni sur l'homme même. Pour obtenir l'heureuse récompense promise, c'est assez que vous m'aimiez de tout votre coeur, uniquement parce que vous me croyez tel que doit être un serviteur de Dieu. Je vous rends d'abondantes actions de grâces de ce que vos louanges, comme si j'étais tel, sont une admirable exhortation pour que je le devienne; je vous en rendrai plus encore si vous n'oubliez pas de prier pour moi comme vous me recommandez de prier pour vous. La prière pour un frère est plus agréable à Dieu quand il s'y mêle un sacrifice de charité.