1.
Mon frère Augustin, rendons grâces à Dieu de qui nous tenons toutes les douces joies qui nous arrivent. Je l'avoue, il m'est bon d'être avec vous; je vous lis beaucoup; il est surprenant, mais il est vrai de dire qu'autant je suis éloigné de votre présence, autant je jouis de votre absence; car alors nulle bruyante affaire du temps ne se place entre vous et moi. Je travaille avec vous autant que je le puis, quoique je ne le puisse jamais autant que je veux : pourquoi dis-je autant que je veux? Vous savez parfaitement combien je suis avide de vous; cependant, je ne me plains pas de rester au-dessous de ce que je voudrais, parce que je fais tout ce que je puis. Dieu soit donc loué, mon doux frère ! il m'est bon d'être avec vous, je me réjouis de vous être si étroitement uni; et, pour parler ainsi, attaché très-uniquement à vous, j'amasse des forces en m'abreuvant, pour ainsi dire, à l'abondance de vos mamelles; je voudrais être habile à en faire couler les trésors, à en recevoir plus que n'en prend le nourrisson, afin que ces mamelles daignassent répandre à mon profit tout ce qu'elles renferment d'excellent. Que ne versent-elles en moi leur céleste nourriture et leur douceur toute spirituelle! elles ne sont si pures, si vraies, que parce qu'elles sont retenues par le double lien de la double charité; pénétrées de lumière, elles réfléchissent la vérité dans tout son éclat. C'est d'elles que j'attends les rayons qui doivent éclairer ma nuit, pour que nous puissions marcher ensemble aux mômes clartés. O abeille de Dieu, véritablement habile à faire un miel plein du nectar divin et d'où s'écoulent la miséricorde et la vérité! Mon âme y trouve ses délices, et s'efforce de réparer et de soutenir, à l'aide de cette nourriture, tout ce qu'elle rencontre en elle de misère et de faiblesse.