3.
Cette lettre me montre à vous avec mes tristesses effacées, avec le bonheur de pouvoir jouir librement de votre coeur et de votre génie dans le champêtre asile où je me trouve; je l'ai écrite avant qu'un vénérable évêque ait daigné me visiter; la fin de cette lettre a été la fin de mes joies, et, ce que j'admire réellement, c'est qu'il est arrivé le jour même où je l'ai écrite. Qu'est-ce cela, dites-moi, ô mon âme, si ce n'est que ce qui nous charme, tout honnête qu'il soit, n'est pas d'une utilité suffisante, parce qu'il n'est qu'un bien particulier? Travaillons donc à adapter ce bien particulier, c'est-à-dire nous-mêmes, au bien général autant que nous le permettra, à cause de nos péchés, la matière à laquelle nous sommes unis, c'est-à-dire autant que nous le permettrons nous-mêmes, et à nous rendre plus purs et plus unissables, si vous souffrez cette expression.
Voilà une lettre bien grande, non pas pour un homme aussi grand que vous, mais pour un homme aussi petit que moi; c'est de ma part une provocation pour obtenir de vous une lettre, non point selon ma petitesse, mais selon votre grandeur. Quelque étendue qu'elle pourrait avoir, elle ne me paraîtrait pas longue, car le temps que je mets à vous lire me semble toujours bien court. Dites-moi quand et où je dois aller vous voir au sujet de l'affaire pour laquelle vous désirez que je me rende auprès de vous. J'irai vous trouver si les choses sont dans le même état et si elles ne présentent rien de plus satisfaisant; s'il en était autrement, ne me détournez pas de ce petit voyage, (211) je vous en prie, car rien ne saurait m'être plus doux. Je désire beaucoup revoir et je salue tous nos frères qui servent le Seigneur auprès de vous.