4.
Mais je ne veux pas que vous vous laissiez tromper même, par votre amitié ; je suis le débiteur de cette amitié, parce que, je le répète, si je n'épargnais pas votre modestie, je pourrais dire sincèrement et affectueusement de vous ce qui ne serait que vrai. Pour moi, quand je suis loué par un frère et un ami de mon âme, il me semble que je me loue moi-même vous voyez combien cela pèse, lors même qu'on ne dirait que la vérité ; et comme vous êtes un autre moi-même et que nous ne formons qu'une seule et même âme, ne vous trompez-vous pas beaucoup plus en croyant voir en moi ce qui n'y est point, comme lin homme lui-même se (212) trompe en ce qui le touche? Je ne le veux pas, d'abord pour ne pas laisser dans l'erreur quelqu'un que j'aime; ensuite, de peur que vous ne demandiez à Dieu avec moins de ferveur qu'il daigne me conduire au point où vous croyez que je suis déjà. Je ne suis pas votre débiteur au point d'être obligé de penser et de dire de vous par amitié tout le bien que vous reconnaîtriez vous manquer encore, mais la dette de mon amitié doit se borner à dire tout le bien que je suis certain de voir en vous et qui est un don de Dieu. Si je ne le fais pas, ce n'est point par crainte de me tromper, c'est parce que, loué par moi, vous sembleriez vous louer vous-même: et à cause de cette règle de justice, que je ne veux point qu'on le fasse pour moi. D'ailleurs, si on doit le faire, j'aime mieux, quant à moi, rester votre débiteur tant que le sentiment contraire me paraîtra bon; et si on ne doit pas le faire, je ne suis pas non plus votre débiteur.