2.
Que vous sert, dites-moi, d'avoir lu tant de dialogues s'ils ne vous ont aidé en rien pour vous faire voir et choisir la fin de toutes vos actions ? Votre lettre nous montre assez quel est le but de toute cette ardente étude, si stérile pour vous, si importune pour nous. En me demandant la solution des questions que vous m'avez envoyées, vous me dites: « Je pourrais vous prier davantage et me faire appuyer auprès de vous par plusieurs de vos amis; mais je connais votre coeur, vous n'aimez pas qu'on vous prie; vous donnez à tous, pourvu qu'on ne vous demande rien qui ne convienne; et ici rien absolument d'inconvenant ; mais quoi qu'il en soit, accordez-moi ce que je désire, car je suis sur le point, de m'embarquer. » Dans ces paroles de votre lettre, vous avez assez bonne opinion de moi pour croire que je désire, donner à tous, pourvu qu'on ne me demande rien qui ne me convienne; mais il ne me paraît pas que votre demande soit parfaitement convenable. Je ne trouverais pas digne d'un évêque occupé, accablé de soins ecclésiastiques, qui le réclament sans cesse, de fermer tout à coup l'oreille à tant de graves obligations pour expliquer à un écolier de misérables difficultés dans les dialogues de Cicéron. Quoique l'ardeur qui vous emporte vous empêche d'y prendre garde, vous sentez pourtant vous-même ce qu'il y aurait ici de choquant. N'est-ce pas évidemment ce que signifie le passage de votre lettre où après avoir dit qu'il n'y a rien là qui ne convienne, vous vous hâtez d'ajouter : « Quoi qu'il en soit pourtant, accordez moi ce que je désire, car je suis sur le point de m'embarquer? » Cela veut dire que votre demande ne vous paraît pas blesser les convenances, mais que s'il en était autrement, vous me demanderiez de faire ce que vous désirez parce que vous êtes sur le point de vous embarquer. Mais dites-moi, qu'est-ce que ces mots que vous ajoutez : « Je suis sur le point de m'embarquer ? » Est-ce que si vous n'étiez pas à la veille de vous embarquer, je ne devrais pas faire pour vous quelque chose qui ne convient point? Vous croyez sans doute que l'eau de la mer lave la honte. Mais la mienne, si cela était, resterait non effacée, car certainement je ne m'embarquerai pas.