4.
Vous me paraissez ne chercher qu'une chose dans les travaux de vos jours et de vos nuits, c'est la louange des hommes pour vos études et votre savoir. Une telle disposition m'a toujours semblé un danger quand on doit aspirer aux biens réels et conformes à la raison, mais ce danger me frappe surtout par votre propre exemple. C'est le pernicieux désir d'obtenir les louanges ou d'éviter le blâme des hommes, c'est ce motif seul que vous mettez en avant pour me déterminer à faire ce que vous me demandez ; voilà le mauvais sentiment qui vous pousse à vous instruire, et vous osez croire que de pareilles raisons peuvent avoir prise sur moi ! Plût à Dieu que je pusse faire en sorte que vous ne fussiez plus touché de ce bien stérile et trompeur de la louange humaine, en vous montrant que vos paroles m'excitent, non à vous accorder ce que vous demandez, d'après votre lettre, mais à vous corriger ! « Les hommes, dites-vous, sont enclins à blâmer. » Quoi ensuite? « Si on vient à être interrogé et qu'on ne réponde pas, on passera pour ignorant et borné. » Eh bien ! je vous interroge, non pas pour vous demander sur Cicéron quelque chose dont le sens peut être difficile à comprendre, mais pour vous demander quelque chose sur votre propre lettre et sur le sens de vos paroles. Pourquoi n'avez-vous pas dit: Celui qui ne répond pas sera reconnu ignorant et imbécile, au lieu de dire : Passera pour ignorant et borné? Vous comprenez donc qu'en ne répondant pas à ces choses-là, on peut passer pour un ignorant et un imbécile sans l'être véritablement. Et moi je vous avertis que celui qui craint de tomber sous la langue d'autrui comme sous le fer pour des motifs pareils est un bois aride, et qu'il ne passe pas seulement pour un ignorant et un imbécile, mais qu'il est bien réellement convaincu d'ignorance et d'imbécillité.