9.
D'abord je ne vois pas du tout qui pourra vous adresser ces sortes de questions dans les contrées où vous craignez de passer pour peu instruit et peu pénétrant; vous avez jugé par vous-même qu'on ne s'occupe pas de ces choses ici où vous êtes venu les apprendre, ni à Rome; elles ne sont ni enseignées ni étudiées parmi nous; vous ne rencontrez en Afrique personne qui vous interroge à cet égard, et vous ne rencontrez personne que vous puissiez interroger si bien que vous êtes réduit à vous adresser à des évêques. Il est vrai que, dans leur jeunesse, (223) ces évêques ont été emportés par la même ardeur ou plutôt par la même erreur que vous et se sont appliqués à ces sortes d'études comme à quelque chose de grand; mais des goûts pareils ne se sont pas prolongés sous des cheveux blanchis par les travaux du saint ministère et ne les ont pas suivis dans les chaires de l'Eglise; s'ils voulaient s'en occuper encore, de plus grands soins, des soins plus graves fermeraient à ces souvenirs l'entrée de leur esprit; si une longue habitude en a laissé quelque chose dans leur intelligence , ils aimeraient mieux tout ensevelir dans les profondeurs de l'oubli que de répondre à de misérables questions pour lesquelles vous n'avez obtenu que le silence des écoles et des rhéteurs, puisque c'est de Carthage que vous avez cru devoir demander à Hippone la solution de vos difficultés. Elles arrivent ici comme quelque chose de si extraordinaire et de si étranger que, dans la supposition où voulant vous répondre, j'aurais besoin de voir ce qui précède et ce qui suit vos passages, il me serait impossible de trouver à Hippone un exemplaire de l'ouvrage de Cicéron 1. Je ne blâme pas les rhéteurs de Carthage pour n'avoir pas répondu à votre appel; bien plus je les en loue, si par hasard ils se sont souvenus que de tels exercices ne sont pas dignes de Rome, et ne sont bons que pour les gymnases grecs. Mais vous, après avoir tourné votre pensée vers le gymnase et y avoir inutilement cherché la réponse à ce qui tourmentait votre esprit, vous avez songé à l'Eglise d'Hippone, parce qu'elle a maintenant pour évêque un homme qui jadis a vendu ces choses à des enfants. Mais je ne veux pas que vous soyez encore un enfant; et il ne me convient pas de vendre ni même de donner des choses d'enfant. Ainsi donc, puisque deux grandes cités, maîtresses dans les lettres latines, puisque Rome et Carthage ne vous ont pas fatigué de leurs questions et ne vous ont pas soulagé du poids de vos inquiétudes en dissipant vos doutes, je m'étonne au delà de toute expression qu'un jeune homme tel que vous s'effraye de ce qu'il peut rencontrer dans les villes de la Grèce et de l'Orient; car il serait plus facile de trouver des corneilles en Afrique que des gens en Orient qui parlassent de Cicéron.
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Tout ceci est curieux pour l'histoire des lettres latines dans la première moitié du cinquième siècle. ↩