11.
Admettons enfin que vous eussiez pu répondre à tout ce que vous nous avez demandé : vous voilà réputé très-savant et très-habile, vous voilà élevé jusqu'au ciel par le souffle des louanges grecques; mais n'oubliez pas pour quelle fin sérieuse vous avez voulu mériter ce concert d'éloges ; n'oubliez pas que c'est afin de pouvoir enseigner quelque chose d'important et de salutaire à ceux dont la frivolité s'attache avec admiration à des choses frivoles, et qui déjà se suspendent à vos lèvres avec la plus bienveillante avidité. Je voudrais savoir si vous êtes en possession de cette doctrine importante et salutaire, et si vous seriez (224) capable de la bien enseigner; car après avoir appris ce qui est inutile pour préparer les hommes à entendre de votre bouche les choses nécessaires, il serait ridicule de les ignorer; il ne faudrait pas que, tout occupé à apprendre à vous faire écouter, vous ne voulussiez pas apprendre ce qu'il y aura à dire lorsqu'on vous écoutera. Si vous me répondez que vous ne l'ignorez pas et que cette grande chose c'est la doctrine chrétienne, objet de toutes vos préférences, je le sais, et fondement unique de vos espérances éternelles, elle n'a pas besoin qu'on lui gagne des auditeurs par la connaissance des dialogues de Cicéron et par un assemblage de pensées étrangères, mendiées de tous côtés et se contredisant les unes les autres. Que ce soient vos moeurs qui vous fassent écouter de ceux à qui vous enseignez ces vérités augustes. Je ne veux pas que, pour l'enseignement de la vérité, vous appreniez d'abord ce qu'il faudra désapprendre ensuite.