14.
Donnez-moi quelqu'un qui voie tout de suite que le corps n'est pas le bien de l'âme, mais plutôt que l'âme est le bien du corps; il ne sera plus question de chercher si c'est dans le corps que réside le souverain bien ou même une part de ce bien; car il y aurait folie à nier que l'âme fût meilleure que le corps, et que ce qui donne la vie heureuse ou une part de vie heureuse fût meilleur que ce qui la reçoit. L'âme ne reçoit donc du corps ni le souverain bien ni une part quelconque du souverain bien. Ceux qui ne voient pas cela sont aveuglés par la douceur des voluptés charnelles, et ne s'aperçoivent pas que cette douceur vient de la pauvreté même de notre vie, la parfaite santé du corps sera la suprême immortalité de l'homme tout entier; car Dieu a fait notre âme avec une si puissante nature que la pleine béatitude promise aux saints à la fin des temps rejaillira sur notre portion inférieure qui est le corps ; il n'éprouvera pas les félicités réservées à l'intelligence, mais il aura la plénitude de la santé, c'est-à-dire la vigueur de l'incorruptibilité. Ceux qui ne voient pas cela, je le répète, se combattent chacun à sa façon, plaçant dans le corps le souverain bien de l'homme, et déchaînant les appétits charnels : dans cette catégorie figurent au premier rang les épicuriens qui ont obtenu un grand crédit auprès de la multitude ignorante.