24.
Et si Anaxagore ou tout autre me dit que la vérité même et que la sagesse n'est autre chose que l'intelligence, qu'ai-je besoin de disputer avec lui sur un mot? Car il est manifeste que l'ordre et le mode de toutes choses ont été établis par elle, que ce n'est pas à tort qu'elle est appelée infinie, non en raison des espaces qu'elle occupe, mais en raison de sa puissance qui surpasse la pensée humaine; il est manifeste aussi qu'elle n'est pas quelque chose d'informe, car il est dans la nature des corps d'être informes s'ils sont infinis. Or Cicéron, pour réfuter, je pense, ses adversaires qui ne concevaient rien que de corporel, nie qu'on puisse ajouter quelque chose à l'infini : il est nécessaire, en effet, que les corps soient finis du côté où on y ajoute. Il dit donc qu'Anaxagore n'a pas vu que le mouvement joint et tenant, c'est-à-dire perpétuellement uni au sentiment, est impossible dans l'infini, dans une chose infinie, comme s'il s'agissait des corps auxquels on ne peut rien joindre, si ce n'est par où ils sont finis. Il ajoute que le sentiment même y est entièrement impossible, parce qu'il n'y aurait aucune portion de la nature qui ne l'éprouvât en même temps, comme s'il disait que cette Intelligence qui ordonne et gouverne toutes choses a du sentiment de la même manière que l'âme en a par le corps. Car il est évident que toute l'âme sent, quand elle sent quelque chose par le corps; et que toute l'âme connaît cette sensation, quelle qu'elle puisse être. Si donc il a dit que toute la nature sent, c'était pour réfuter le philosophe qui l'appelle une intelligence infinie. Comment sentira-t-elle tout entière, si elle est infinie? Car la sensation corporelle commence par quelque endroit et ne parcourt pas le tout si elle ne va jusqu'au bout; ce qui ne se peut dire de l'infini. Mais Anaxagore n'avait rien dit non plus de cette sensation corporelle. On parle autrement d'un tout qui est incorporel, parce qu'on le comprend sans bornes, (229) pour qu'on puisse l'appeler tout et infini: tout, à cause de son intégrité; infini, parce qu'il ne connaît pas de limites.