1.
Avant d'en venir à l'objet de ma lettre, je vous rendrai brièvement compte de son titre, afin que ni vous ni personne n'en soyez troublés. J'ai dit d'abord à mon seigneur parce qu'il est écrit : « Vous êtes appelés, mes frères, à un état de liberté : ayez soin seulement que cette liberté ne vous serve pas d'occasion pour vivre selon la chair; mais assujettissez-vous les uns aux autres par une charité spirituelle 1. » Comme c'est un charitable désir de vous rendre service qui m'inspire cette lettre, ce n'est pas hors de propos que je vous appelle seigneur pour notre unique et vrai Seigneur qui nous a donné ces préceptes. J'ai écrit : au très-cher, et Dieu sait que non-seulement je vous aime, mais que je vous aime comme moi-même, car j'ai la conscience de vous souhaiter tous les biens que je me souhaite. Lorsque j'ai ajouté le mot : honorable, je ne l'ai pas fait par respect pour votre caractère d'évêque; vous n'êtes pas un évêque pour moi; ne prenez pas ceci pour un outrage, c'est ma pensée sur mes lèvres, c'est le oui ou le non recommandé 2. Vous n'ignorez point, et tous ceux qui nous connaissent n'ignorent point que vous n'êtes pas plus mon évêque que je ne suis votre prêtre. Je vous ai de bon coeur appelé honorable, parce que vous êtes homme, parce que l'homme est créé à l'image de Dieu et à sa ressemblance, et qu'il occupe dans l'univers un rang d'honneur, si toutefois il le garde en comprenant ce qu'il faut comprendre. Car il est écrit: « L'homme, tandis qu'il était en honneur, ne l'a point compris; il a été comparé aux bêtes qui n'ont aucune raison, et il leur est devenu semblable 3. » Pourquoi donc ne vous appellerais-je pas honorable en tant que vous êtes homme, surtout quand je n'ose désespérer de votre salut et de votre conversion, pendant que vous êtes encore dans cette vie ? Quant à ce nom de frère que je vous donne, vous savez bien que Dieu nous ordonne d'appeler nos frères ceux-là même qui refusent de l'être. Et ceci va droit à l'objet de cette lettre que j'adresse à votre Fraternité ; je vous ai rendu compte des mots par où elle commence, écoutez tranquillement ce qui va suivre.