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Mais, même dans cette vie, les hommes bons donnent de grandes consolations. Est-on pressé par la pauvreté ou sous le coup d'un deuil, en proie à la maladie ou condamné aux tristesses de l'exil, ou livré à tout autre malheur? Que les hommes bons soient là; ils ne partagent pas seulement la joie de ceux qui se réjouissent, mais ils pleurent avec ceux qui pleurent 1, et, par leur manière de dire et de converser, adoucissent ce qui est dur, diminuent le poids de ce qui accable, et aident à surmonter l'adversité. Celui qui fait cela, en eux et par eux, est celui-là même qui les a rendus bons par son Esprit. Supposez, au contraire, qu'on nage dans l'opulence, qu'on n'ait rien perdu de ce qu'on aime, qu'on jouisse de la santé et qu'on demeure sain et sauf dans son pays, mais qu'on ne soit entouré que d'hommes méchants dont on doive toujours craindre et endurer la mauvaise foi, la tromperie, la fraude, la colère, la dérision, les piéges : toutes ces choses ne perdent-elles pas de leur prix et leur reste-t-il quelque charme, quelque douceur? C'est ainsi que, dans toutes les choses humaines, quelles qu'elles soient, il n'y a rien de doux pour l'homme sans un ami. Mais combien en trouve-t-on dont on soit sûr en cette vie pour le coeur et les moeurs ? car personne n'est connu d'un autre comme il l'est de lui-même; et encore personne ne se connaît assez pour être sûr de ce qu'il sera le lendemain. Aussi, quoique plusieurs se fassent connaître par leurs fruits, et que la bonne vie des uns soit une joie et la mauvaise vie des autres soit une affliction pour le prochain, cependant, à cause des secrets et des incertitudes des coeurs humains, l'Apôtre nous avertit avec raison de ne pas juger avant le temps et d'attendre que le Seigneur soit venu, qu'il mette en vive lumière ce qui est caché dans les ténèbres et qu'il découvre les pensées du coeur; alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due 2.