15.
Pourquoi donc aller à tant de choses et chercher ce que nous avons à demander, de peur de ne pas prier comme il faut? Pourquoi ne pas dire tout de suite avec le Psalmiste : « J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la redemanderai, c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, afin que je contemple les délices de Dieu et que je visite son temple 1 ? » Là les jours ne viennent pas et ne passent pas comme sur la terre, et le commencement de l'un n'est pas la On de l'autre; les jours y sont tous ensemble et sans fin ; ils composent une vie qui , elle aussi, ne doit pas finir. Dans le but de nous faire acquérir cette vie heureuse, celui qui est la vraie Vie heureuse nous a appris à prier, mais non pas en beaucoup de paroles ; ce n'est point parce que nous aurons beaucoup parlé que nous serons plus exaucés; Celui que nous prions sait ce qui nous est nécessaire avant que nous le lui ayons demandé; le Seigneur lui-même l'a dit 2. Aussi pourrait-on s'étonner qu'après avoir défendu de prier en de longs discours, le Seigneur, qui sait ce qui nous est nécessaire avant que nous le lui demandions, nous ait exhortés à la prière au point de dire : « Il faut toujours prier et ne pas se lasser, » et nous ait proposé l'exemple d'une veuve qui, désirant avoir raison de la partie adverse, finit par se faire écouter du juge à force d'importunités : elle en était venue à bout non point par justice ou miséricorde, mais par ennui. Cet exemple doit nous faire comprendre combien nous sommes sûrs d'être exaucés d'un Dieu miséricordieux et juste en le priant sans cesse, puisque les importunités de la veuve ont triomphé d'un juge inique et impie; et si elle réussit à exercer la vengeance qu'elle méditait, avec quelle bonté et quelle miséricorde Dieu accomplira les bons désirs de ceux qu'il sait avoir pardonné les injustices d'autrui 3. Rappelons-nous aussi cet homme qui , n'ayant rien à offrir à un ami arrivé chez lui, alla demander à son voisin trois pains, par lesquels peut-être étaient figurées les trois personnes divines d'une même substance; il trouva ce voisin endormi avec ses serviteurs et , grâce à ses instances incommodes et fatigantes, obtint de lui les trois pains qu'il voulait : ce voisin encore céda bien plus au désir de s'en débarrasser qu'à la pensée de l'obliger. Ceci doit nous faire entendre que si un homme endormi est forcé de donner ce qu'on lui demande après qu'on l'a éveillé malgré lui, avec quelle bonté donnera celui qui né dort jamais et qui nous éveille pour que nous lui demandions 4 !