31.
Qui ne doit être surpris qu'après son péché et la sentence du jugement de Dieu, Adam ait appelé.sa femme du nom de Vie, comme étant mère des vivants 1 : tandis qu'elle a mérité la mort et se trouve destinée à mettre au monde des hommes mortels? L'Écriture n'avait-elle donc pas en vue ces fruits mystérieux, après l'enfantement douloureux desquels la partie inférieure de l'âme se tourne vers la raison pour être soumise à son empire et desquels nous avons parlé précédemment? Dans ce sens en effet elle est la vie et la mère des vivants. Car la vie souillée par le péché est appelée mort dans l'Écriture. Ainsi l'Apôtre dit qu'une veuve qui vit dans les délices est morte 2, et nous voyons que le péché lui-même nous est présenté sous le nom et l'image d'un cadavre dans cet endroit de l'Ecclésiastique : « Celui qui se lave après avoir touché un mort et qui le touche de nouveau, à quoi lui sert de s'être lavé? Ainsi en est-il de celui qui jeûne après ses péchés, et qui marchant dans la même voie les commet derechef 3. » Ici en effet mort est pour péché; abstinence et jeûne après le péché correspond au bain, c'est-à-dire à la purification obligatoire quand on a touché un mort, et retourner à son péché c'est toucher de nouveau un mort. Pourquoi donc cette partie animale de notre âme qui doit obéir à la raison, comme la femme à son mari, ne serait-elle pas appelée vie, quand par la raison elle-même elle aura conçu de la parole de vie une bonne règle de conduite? et quand se retenant sur la pente du vice quoiqu'avec peine et gémissement, elle aura par sa résistance à une mauvaise habitude, produit une habitude louable pour le bien, pourquoi ne serait-elle pas appelée mère des vivants, c'est-à-dire des actes dont la droiture et la bonté font le caractère; actes auxquels sont opposés les péchés que nous avons dit pouvoir être désignés sous le nom de cadavre ?