24.
« Puis Dieu dit: que les eaux qui sont au-dessous des cieux se rassemblent en un lieu et que l'aride paraisse. Et il en fut ainsi. L'eau qui est sous le ciel se rassembla en un seul lieu et l'aride parut. « Et Dieu nomma l'aride, terre, l'amas des eaux, mers. Et Dieu vit que cela était bon. » Nous nous sommes longuement étendus sur cet ouvrage de Dieu, à propos d'une question qui s'y rattache intimement ? Il suffira donc ici de rappeler sommairement aux esprits trop élevés pour se préoccuper de l'époque où furent créées les propriétés spécifiques de la terre et de l'eau, que l'ouvrage de ce jour consiste simplement à séparer ces deux éléments dans les régions inférieures de l'espace.1 Veut-on au contraire se demander pourquoi la création de la lumière et du ciel a une date, tandis que celle de la terre; et de l'eau s'est accomplie en dehors des jours ou les a même précédés ? Semble-t-il surprenant que le commandement fiat ait présidé à la création de la lumière, tandis qu'il s'est fait entendre pour séparer la terre avec les eaux sans avoir présidé à leur création? On trouvera une explication sans danger pour la foi dans le passage où l'Ecriture, après avoir établi que « Dieu créa au commencement le ciel et la terre » ajoute, pour représenter la terre en cet état : « La terre était invisible et sans ordre. » Ces paroles, en effet; ne désignent que l'état informe de la matière, et l'Écriture a choisi le mot de terre comme étant plus ordinaire et moins obscur. Si cette explication est trop difficile à saisir, qu'on s'efforce au moins de séparer dans le temps la matière et ses modifications, comme l'Écriture les distingue dans son récit : qu'on se figure que Dieu a créé d'abord la matière, et au bout d'un certain temps, l'a enrichie de ses propriétés. Il est clair cependant que Dieu a tout créé à la fois, et qu'il a façonné la matière déjà formée, le mot terre ou eau ne servant dans l'Écriture qu'à désigner l'imperfection de la matière, comme je l'ai déjà remarqué à cause de son emploi fréquent. En effet la terre et l'eau, même sous leur forme actuelle, ont une tendance à se corrompre qui les. rapproche bien mieux de l'imperfection primitive que les corps célestes. Or, dans la période des six jours, on énumère les ouvrages tirés de cette matière informe, dont était déjà sorti le ciel, si diffèrent de la terre; l'écrivain sacré n'a donc pas voulu, en prononçant le fiat, ranger parmi ces autres oeuvres de Dieu l'oeuvre qui restait à faire dans la région la plus basse de la nature; les éléments y gardaient une imperfection trop grossière, pour se prêter à une œuvre aussi parfaite que le ciel : ils ne pouvaient que recevoir une forme inférieure, moins constante et plus voisine de l'imperfection primitive. Les paroles: « Que les eaux se ras« semblent, que l'aride paraisse, » indiqueraient donc que la terre et l'eau reçurent alors ces formes si connues et qui nous permettent de les plier à tant d'usages : l'eau, sa fluidité; la terre, sa consistance. Aussi est-il écrit des eaux : « quelles se rassemblent, » et de la terre : « qu'elle se montre » : l'une est courante et fugitive, l'autre compacte et immobile.
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Ci-dessus, liv. I, ch. XII, XIII. ↩