21.
Faut-il avancer que, l'oeuvre divine instantanément accomplie, la lumière brilla, avant l'arrivée de la nuit, tout le temps nécessaire pour former un jour, que les ténèbres succédèrent à la lumière aussi longtemps qu'il fallut pour former une nuit, et que, le premier jour écoulé, l'aurore du jour suivant se leva? En soutenant cette opinion, je craindrais fort de faire rire, soit ceux qui savent avec une pleine certitude, soit ceux qui peuvent remarquer qu'au moment même où la nuit règne dans notre pays, la lumière éclaire les contrées que traverse le soleil pour revenir de l'occident à l'orient, et que dès lors par conséquent, dans les vingt-quatre heures de la révolution diurne, il est impassible de ne pas voir régner ici la nuit, ailleurs le jour. Allons-nous donc placer Dieu à un point de l'espace où survenait le soir, au moment que la lumière quittait cette région pour en éclairer une autre ? Sans doute il est dit dans le livre de l'Ecclésiaste « Et le soleil se lève, et le soleil se cruche, et il revient à sa place, » c'est-à-dire, à son point de départ; on y lit encore: « En se lavant il va vers le midi et décrit un cercle vers l'aquilon. n Par conséquent, nous avons le jour, lorsque le soleil éclaire la partie méridionale du globe, et nous avons la nuit, lorsqu'il a décrit le cercle qui le ramène au nord. Mais il est impossible à ce moment que le jour ne brille pas dans une autre contrée où le soleil est sur l'horizon. Pour admettre cette hypothèse, il faudrait abandonner son imagination aux fictions des poètes, se figurer avec eux que le soleil se plonge dans la mer et, qu'après s'y être baigné, il en sort le matin du côté opposé. Encore, s'il en était ainsi, le fond de l’Océan serait-il éclairé par les rayons du soleil et le jour brillerait dans ses abîmes. Pourquoi en effet le soleil ne répandrait-il pas sa lumière dans l'eau, puisqu'elle n'aurait pas la propriété de l'éteindre! Mais on sent combien cette hypothèse est bizarre; d'ailleurs le soleil n'existait pas encore.