14.
Achevons nos considérations sur l'homme, en gardant une juste mesure et en portant, dans l'examen des passages les plus profonds de l'Ecriture, un esprit de sage recherche plutôt qu'une présomption tranchante. Que Dieu ait connu Jérémie avant de le former dans le sein de sa mère, on ne saurait en douter sans impiété, puisque l'Écriture l'affirme en termes exprès. Mais où l'a-t-il connu avant de le former dans le sein maternel ?C'est une vérité qu'il est difficile et peut-être impossible à notre faiblesse d'atteindre. Est-ce dans des causes prochaines, comme il connut dans la personne d'Abraham que Lévi avait payé la dîme ? Est-ce dans Adam, le principe et comme la tige de tous les hommes? En adoptant cette dernière opinion, serait-ce dans Adam lorsqu'il fut formé du limon de la terre, ou lorsqu'il n'existait qu'en puissance parmi les causes qui furent créées toutes ensemble ? Ne serait-ce pas antérieurement à tous les êtres, de la même manière qu'il a choisi et prédestiné ses saints avant la création du monde 1 ? Ne serait-ce pas plutôt dans la série des causes antérieures que je viens d'énumérer ou que j'ai pu oublier? On ne doit pas, ce me semble, approfondir trop rigoureusement cette question, pourvu qu'on admette ce point incontestable que Jérémie, du moment qu'il reçut le jour, eut une existence personnelle, se développa avec l'âge et devint capable de faire le bien comme d'éviter le mal, et qu'il n'avait pas cette faculté, non-seulement avant d'être formé dans le sein de sa mère, mais encore à l'époque où il était déjà formé sans avoir vu la lumière. La décision de l'Apôtre sur les jumeaux que Rebecca portait dans son sein ne souffre aucun doute: avant de naître, « ils n'avaient fait ni bien ni mal 2. »